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SIR ROBERT PEEL.

nistre populaire retiré de l’arène, le roi Louis-Philippe détrôné. Quand sir Robert Peel lui adressait ces paroles, les ruines du château de Neuilly fumaient encore. L’histoire n’a point d’exemple plus choquant des accès d’inique et ingrate démence qui éclatent quelquefois au milieu d’un peuple, et c’est pour les honnêtes gens une consolation bien permise de s’arrêter un moment pour voir apparaître quelques lueurs de justice au-dessus de ces tristes décombres.

Sir Robert Peel ne repoussait point les occasions d’exprimer ainsi ses sentimens, soit sur le passé, soit sur les événemens et les questions à l’ordre du jour. Le 27 juin 1849, sir James Duke, lord-maire de la Cité de Londres, lui donna à Mansion-House un dîner solennel, et résuma avec précision, en portant sa santé, les grandes mesures politiques auxquelles il avait attaché son nom, le système monétaire, la réforme des lois criminelles, l’émancipation des catholiques, la réforme des tarifs, l’abolition des lois sur les grains, l’amélioration permanente de l’état de l’Irlande. L’automne suivant, sir Robert Peel alla passer quelques semaines en Écosse, d’abord dans l’un des sites les plus pittoresques du comté de Ross, puis au château de Haddo, chez lord Aberdeen, et le 12 octobre le lord-prévôt et les magistrats de la ville d’Aberdeen lui conférèrent, avec toute la pompe municipale, la bourgeoisie de leur cité, que près de quatre-vingts ans auparavant, le docteur Johnson avait aussi reçue comme un rare honneur. Dans toutes ces réunions, sir Robert Peel prenait la parole, revenant sur l’histoire de son temps et de sa vie, sur les affaires du dedans et du dehors, sur les réformes qu’il avait accomplies et la paix qu’il avait maintenue, jouissant avec quelque complaisance, mais sans aucune trace d’ambition nouvelle, de sa grande et populaire situation.

Le 31 janvier 1850, le parlement rentra en séance, et sir Robert prit part à plusieurs débats d’administration intérieure, surtout pour défendre les serviteurs de l’état, grands et petits, les employés des bureaux comme le vice-roi d’Irlande, contre cette manie d’abaissement des fonctions et de réduction des traitemens qui suit les progrès de l’esprit démocratique. Au mois de juin 1850, un débat plus brillant s’éleva, débat de politique extérieure suscité par les mesures violentes de lord Palmerston contre la Grèce, à l’appui des plaintes de deux sujets anglais, M. Finlay et M. Pacifico, l’un Écossais, l’autre juif de Gibraltar, qui se prétendaient lésés par le gouvernement grec et réclamaient de lui de fortes indemnités. Un vif dissentiment avait éclaté à ce sujet entre les cabinets de Paris et de Londres. Le ministre de France à Athènes, le baron Gros, et l’ambassadeur de France à Londres, M. Drouyn de Lhuys, avaient quitté leurs postes. Commencée le 17 juin dans la chambre des lords par