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versations et des lenteurs. Sous la pression de cette volonté espagnole et d’autres circonstances que je n’ai pas besoin de rappeler, nous fûmes mis au pied du mur ; le mariage de la reine Isabelle avec le prince Léopold de Cobourg devint probable et imminent. J’en jugeai ainsi, et je demeure convaincu que j’étais en droit d’en juger ainsi. Je n’hésitai point. Je donnai au roi le conseil et au comte Bresson, son ambassadeur à Madrid, l’ordre de presser la conclusion immédiate du double mariage de la reine d’Espagne avec l’infant don François d’Assise et de l’infante avec M. le duc de Montpensier. Je méprise profondément et n’ai jamais tenté de pratiquer ce genre d’habileté qui fait que le vainqueur sourit de la surprise du vaincu ; mais je ne veux pas plus de la duperie que de la rouerie, et de toutes les faiblesses dans les grandes affaires, l’indécision imprévoyante est, à mon sens, la pire. La politique française, nationale aussi bien que royale, voulait que le trône d’Espagne ne sortît pas de la maison de Bourbon. J’avais posé ouvertement ce principe. Je l’ai fait triompher quand il était sur le point de succomber. La politique anglaise s’en est crue blessée ; mais il n’y a pas, j’en suis sûr, un gentleman anglais qui, au fond du cœur, ne m’en approuve, et qui, mis au pied du même mur, n’eût agi comme je l’ai fait.

Dix-huit mois après la conclusion de cette affaire, la révolution de février 1848 avait éclaté. J’étais proscrit et réfugié en Angleterre. On a dit quelquefois que les mariages espagnols et l’humeur qu’en avait ressentie le gouvernement anglais n’avaient pas été sans influence dans ce bouleversement. Frivole méprise sur sa nature et ses causes : elles ont été tout intérieures. C’est une crise sociale et mo-

    mariage, soit de la reine, soit de l’infante, notre politique ne reçoive en Espagne un échec que nous n’accepterions pas ;

    « 2° Libres, pour l’un comme pour l’autre mariage, de tout engagement.

    « C’est ce qui arriverait si le mariage, soit de la reine, soit de l’infante, avec le prince Léopold de Cobourg ou avec tout autre prince étranger aux descendans de Philippe V devenait probable ou imminent.

    « Dans ce cas, nous serions affranchis de tout engagement et libres d’agir immédiatement pour parer le coup, en demandant la main, soit de la reine, soit de l’infante, pour M. le duc de Montpensier.

    « § 5. Nous désirons sincèrement et vivement que les choses n’en viennent point à cette extrémité.

    « Nous ne voyons qu’un moyen de la prévenir, c’est que le cabinet anglais s’unisse activement à nous :

    « 1° Pour remettre à flot l’un des descendans de Philippe V, n’importe lequel, le duc de Séville ou le duc de Cadix aussi bien que le comte de Trapani, et préparer son mariage avec la reine Isabelle ;

    « 2° Pour empêcher, en attendant, le mariage de l’infante, soit avec le prince Léopold de Cobourg, soit avec tout autre prince étranger aux descendans de Philippe V.

    « Nous croyons que, par l’action commune et bien décidée des deux cabinets, ce double but peut être atteint. Et nous nous faisons un devoir de loyauté de prévenir le cabinet anglais que, sans cela, nous pourrions nous trouver obligés et libres d’agir comme je viens de l’indiquer. »