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été fondées; elle a fait beaucoup, quoiqu’elle n’ait pas fait assez, pour l’éducation populaire. Elle a aidé ce mouvement de réforme et de progrès, honneur en toutes choses de l’Angleterre contemporaine. Enfin le goût des travaux de littérature et d’érudition est loin d’avoir dépéri dans les universités où prévaut son influence ; bien plus, il s’y est développé une certaine science historique et théologique, un esprit de recherche et d’examen qui est presque de la philosophie.

Le tableau des partis de l’église a été habilement tracé par un membre du clergé, M. Conybeare[1], et nous avons largement profité de son travail. Son objet n’est pas tout à fait le nôtre, et nous cherchons surtout dans les divisions de l’église anglicane l’origine de certaines controverses d’un intérêt plus général encore. Ce qui nous frappe, c’est que la stagnation religieuse et philosophique a cessé. Pendant la dernière période de l’ère des George, Georgian era, on pouvait croire le déclin de l’église irréparable; vainement la réaction contre la révolution française avait ramené la dévotion, dévotion tout extérieure où ne respirait que la prudence des enfans du siècle. Vainement quelques hommes éminens soutenaient avec honneur la cause de la foi traditionnelle, Horsley contre l’hérésie, Paley contre l’incrédulité. Une sorte de pharisaïsme politique dominait l’ensemble, et s’il se fût perpétué, l’édifice qu’il soutenait aurait pu tomber un jour en poudre comme un sépulcre blanchi. Depuis que tout s’est ranimé, nous croyons apercevoir des progrès véritables dans le sens de la religion et dans le sens de la philosophie, et si un coup d’œil bien rapide ne nous a trompés, les efforts et les luttes des esprits sur ces grandes questions sont d’un intérêt plus varié, plus instructif et plus fécond que notre stérile et monotone querelle de la raison et de l’autorité. A qui croire? voilà chez nous la question. Que croire? on s’en soucie beaucoup moins.

Ce que j’ai appelé l’arianisme nous présente en Angleterre l’expression la plus franche d’une liberté d’esprit encore chrétienne. Il ne m’appartient nullement de dédaigner le rationalisme. Bentham, Mill, Brown, sont très dignes d’attention; mais on peut croire que sous cette forme trop dépouillée, trop nue, le peuple anglais, et peut-être aucun peuple, n’est disposé à chercher la vérité. Les mêmes problèmes, ou des problèmes égaux en valeur à ceux de la simple philosophie, s’agitent en théologie, là où le débat théologique est libre, et il l’est absolument en Angleterre. De quelque côté que vous l’abordiez, par les ariens ou par les tractariens, vous serez bientôt conduit à quelque chose qui intéressera la raison ou piquera la curiosité.

Burke a pendant un temps donné le ton à la société anglaise. Il

  1. Edinburg Review, octobre 1853.