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membre de l’église d’Angleterre. Cette concession semblait bien due à tous les dissidens, qu’il est inique d’exclure des grades universitaires ou de forcer à une démonstration sans franchise. C’était bien assez que l’épreuve du test pesât encore sur eux et ne leur permît pas, sans une formalité qui pouvait coûter à leur sincérité, d’entrer au parlement. Sir Henry Houghton introduisit bientôt une nouvelle pétition pour obtenir au moins en leur faveur la dispense de souscrire aux trente-neuf articles. Un bill conforme, rejeté deux fois, passa en 1779. Ces progrès profitaient sans doute à ces fervens dissenters, pour lesquels on accusait de partialité les évangéliques, plus touchés de l’action de Dieu sur l’individu que des intérêts de l’église dominante; mais en même temps, favorisés par l’esprit de l’époque, les continuateurs de Clarke et de Lardner prenaient plus d’assurance et de crédit, ils occupaient même des positions officielles et quelques chaires de la capitale. On trouve dans les écrits du temps la qualification d’arien donnée sans observation à des ministres de l’église. Tel était le docteur Richard Price, l’homme le plus éminent peut-être que cette secte ait produit dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et l’un des écrivains distingués de la Grande-Bretagne. Ses nombreux ouvrages, sur des sujets bien divers, attestent un esprit hors ligne. C’était un habile adversaire de la métaphysique de Locke. Sa Revue des principales Questions de la morale[1], où il reprend la thèse de Gudworth, la thèse de l’académie et du portique sur l’immutabilité des principes du devoir, mérite une place élevée dans l’histoire de la philosophie. Ses écrits politiques se recommandent par de libérales opinions bien soutenues, et c’est à lui que M. Turgot adressait, en 1778, une lettre mémorable sur la révolution d’Amérique. Price jouissait d’une certaine faveur dans le grand monde, prêtait au parti whig le concours de ses lumières et de son talent, et après avoir obtenu la confiance du marquis de Lansdowne, qui aimait la liberté de penser et qui le choisit pour secrétaire, il fut bien accueilli de M. Pitt, qui témoigna faire grand cas de ses idées et de ses écrits sur les finances. Il avait traité d’une manière remarquable la question des dettes publiques, et il passe pour avoir proposé le plan d’amortissement qui fut un des actes les plus loués de l’administration de M. Pitt (1786). Cependant le docteur Price était un publiciste libéral à la manière française, et il le prouva par son admiration pour la révolution de 1789. Un discours qu’il prononça à cette époque lui attira le courroux de Burke, que devaient irriter également ses opinions religieuses. Les adversaires des trente-neuf articles étaient pour Burke les théologiens du jacobinisme. Or

  1. Review of the principal Questions and Difficulties in Morals. 1758.