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VII.

L’église constituée était tombée dans une insignifiance religieuse qui présageait sa décadence, lorsque vers 1730 deux hommes dignes d’une grande célébrité entreprirent de ranimer le feu du christianisme. Même pour ceux qui ne s’intéressent qu’à l’honneur de l’humanité, ce serait un admirable récit que celui de l’œuvre religieuse de Wesley et de Whitefield, œuvre souvent comparée à celle de Spener, pasteur à Francfort vers la fin du XVIIe siècle et fondateur du piétisme sur le continent. C’est dans le principe dogmatique de la réforme, savoir le principe de la justification par la foi, que les deux méthodistes anglais puisèrent la force et la lumière. Ce principe, comme la doctrine de la grâce parmi nous, se présente sous deux aspects, et produit tour à tour le calvinisme absolu et le calvinisme mitigé, deux nuances qui correspondent aux deux interprétations de l’augustinianisme chez les catholiques. Ces deux nuances se faisaient remarquer dans l’église anglicane, toute tiède, tout inerte qu’elle pouvait paraître. Whitefield poussa les choses à la rigueur; Wesley inclinait vers les adoucissemens d’Arminius. Cependant le dogme générateur de la réforme leur fut également cher à tous deux. Tous deux gourmandèrent la foi verbale et indécise du clergé de leur temps; mais Whitefield poussa l’invective jusqu’à écrire que l’archevêque Tillotson n’en savait pas plus sur la religion que Mahomet, tandis que Wesley déchira en chaire cet écrit même, et ne déclara pas la guerre à l’institution de l’église, se bornant à réclamer pour tous la liberté de prêcher. Vers 1750, les deux émules s’étaient pourtant réunis; ils officièrent dans la même chapelle. Etant venus à Londres, ils se firent connaître jusque dans la société aristocratique. Whitefield avait converti la comtesse douairière de Huntingdon, qui ouvrit sa maison à des conventicules méthodistes. Ce fut une mode que d’y aller entendre les nouveaux apôtres. On invitait les beaux esprits à ces séances religieuses, même les esprits forts, comme Chesterfield et Bolingbroke. « Monsieur, dit le premier à Whitefield après l’avoir entendu, je ne veux pas vous dire ce que je dirai aux autres, à savoir combien je vous approuve. » Lord Bolingbroke, qui s’asseyait, dit Whitefield, avec l’attitude d’un archevêque, lui témoigna son plaisir de l’avoir entendu rendre bonne justice aux attributs de la Divinité, compliment singulier dans la bouche d’un homme qui refusait à Dieu, ou peu s’en faut, d’être une providence. Cependant le méthodisme fit dans les classes ouvrières ses plus grands progrès. Ce fut la religion du pauvre. Il inquiéta, il divisa l’église, il l’attaqua même, mais ne s’en sépara pas. Ni Wesley,