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dispenserait dans la pratique, ne s’indignèrent pas d’une loi qui avait pour eux le mérite d’enlever les droits politiques et même quelques-uns des droits civils aux catholiques. La haine du protestantisme rendait les Stuarts tolérans; la défiance envers les Stuarts rendait intolérans les non-conformistes. En même temps les intérêts de la religion réformée ne permettaient pas qu’on se montrât aussi exclusif à l’égard des étrangers, qui ne cessaient d’affluer en Angleterre, et à qui le zèle de Firmin ne cessait d’assurer bien-être et liberté. On se contentait de protester par une polémique vigoureuse contre les erreurs auxquelles on accordait l’hospitalité, et c’est alors que le révérend George Bull achevait contre l’arianisme cette Défense de la Foi de Nicée que bénissait Bossuet.

Jacques II eut le malheur de monter sur le trône au moment où la France proscrivait les huguenots, et il fut assez aveugle pour inquiéter d’abord et bientôt persécuter l’église nationale. Il lui rendit ainsi le service de la mettre du côté des libertés du pays. Ses avances aux dissidens ne furent accueillies que par les quakers, et toutes les sectes indépendantes comprirent que la meilleure des protections était pour elles la liberté publique. Firmin se signala entre tous par sa prévoyance et son activité. Il poussa ses coreligionnaires à toutes les manifestations qui préparèrent la révolution de 1688, et quand celle-ci éclata, elle put être regardée tout à la fois comme le triomphe du protestantisme et de la tolérance.

Il semblait en 1688 que la paix religieuse était faite, et les catholiques eux-mêmes purent se figurer qu’ils n’avaient succombé qu’à titre de parti politique. Guillaume III, s’il en eût été le maître, leur aurait donné des témoignages de cet esprit de libérale sagesse qui lui fit instituer l’église presbytérienne en Écosse malgré l’église épiscopale en Angleterre; mais il lui fallut se contenter de l’acte dit de tolérance qui se bornait à délivrer les sectes dissidentes de toute pénalité, et même le bénéfice de ces dispositions réparatrices ne fut étendu ni à ceux qui reconnaissaient le pape, ni à ceux qui ne reconnaissaient pas la divine Trinité. Toutefois l’esprit de liberté qui animait tout, les hommes, les institutions, les événemens, ne pouvait manquer de se faire sentir jusque dans le champ des querelles de dogme et des débats philosophiques. Ceux-ci surtout prirent une importance qui n’est pas encore effacée. Des hommes supérieurs dans la politique, dans la science, dans les lettres, prouvèrent par leur exemple que la liberté de l’intelligence était la première des libertés.

Sur la question imposante qui est comme le fondement du christianisme et qui le caractérise suivant la solution qu’elle reçoit, il faut distinguer la liberté des sectes de celle des intelligences. Il a pu y avoir en tout temps, il y eut alors plus que jamais des esprits