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V.

Pendant la révolution, la religion des puritains avait été plus biblique qu’évangélique, et malgré les doctrines excessives qu’ils soutenaient pour la plupart sur la matière de la justification, le nom du Christ et le dogme spécial de sa divinité s’étaient un peu effacés ou confondus dans un ensemble d’idées et de textes dont il serait difficile de faire une théologie régulière. Sous la restauration, les sectes et les controverses furent plus dédaignées que haïes. Le fanatisme passait pour un travers révolutionnaire. Le culte anglican n’avait aux yeux des Stuarts que la valeur d’une institution qu’il fallait ménager, mais ils ne révéraient rien de tout cela. Charles II, indifférent en fait, formé par Hobbes au scepticisme, feignait d’être épiscopal et se croyait catholique. Jacques II l’était avec passion; mais l’un et l’autre, en mettant sur la même ligne toutes les croyances que réprouvait Rome et qui agitaient l’Angleterre, encourageaient avec ou sans dessein, autour d’eux et par leur exemple, cette neutralité politique en matière de religion qui convient aux hommes d’état et séduit les hommes de cour; aussi régna-t-il sur beaucoup de points une certaine liberté religieuse ou plutôt irréligieuse, la liberté de l’incrédulité sans propagande. La discussion purement philosophique put même aller assez loin, parce qu’elle n’assemble pas de prosélytes et ne forme pas de congrégations. Il y eut plus de sûreté à ruiner comme Hobbes les fondemens de toute religion au profit du pouvoir absolu qu’à raisonner sur des dogmes spéciaux que protestans et catholiques se disputaient l’honneur de défendre. Au temps de Rochester, de Saint-Évremond, d’Hamilton, du chevalier de Grammont, l’indifférence ou le scepticisme n’avait à craindre aucun des dangers que courait l’hétérodoxie.

Celle-ci même eut à redouter le parlement plutôt que la cour. L’acte des corporations interdit toutes fonctions municipales à ceux qui n’auraient pas dans l’année reçu le sacrement suivant le rit épiscopal. L’acte d’uniformité, en prescrivant la même condition à tous les membres du clergé, renouvela pour eux l’obligation d’une adhésion formelle au livre de prières communes, et près de deux mille pasteurs furent contraints à délaisser les bénéfices qu’ils tenaient de la république. Malgré ses précautions, Biddle fut encore arrêté pour célébration d’un culte illégal. Condamné à l’amende avec tous ceux qui l’avaient assisté, il mourut en prison (1662). Les unitairiens parlent encore de lui comme d’un apôtre et d’un martyr.

Firmin, à qui le commerce avait donné une grande fortune, n’abandonnait pas néanmoins leurs intérêts; son zèle et sa bourse étaient au service des dissidens étrangers, qui d’Allemagne, de Pologne,