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qui voulait croire, mais croire librement, — et quelle que soit la diversité de croyance qui prit aussitôt naissance au fond des âmes, rien ne parut au dehors qui ressemblât à la négation du rédempteur divin. Sur les questions de dogme pur, la doctrine de Calvin fut en général celle de l’Angleterre, et Calvin poussait la foi dans la Trinité jusqu’à brûler Servet. Dans les questions d’organisation, la royauté s’éloigna le moins qu’elle put de l’ancienne constitution de l’église, elle n’en supprima que ce qui l’eût empêchée d’en devenir maîtresse, et conserva la hiérarchie, l’épiscopat, l’uniformité. Un formulaire de trente-neuf articles devint la profession de foi obligée de tout ministre anglican, qui dut y souscrire sans ambiguïté en même temps que reconnaître par serment la suprématie de la couronne sur l’église, et déclarer que le livre de prière commune est conforme à la parole de Dieu.

Pour mieux affermir l’orthodoxie trinitairienne, le huitième des trente-neuf articles prescrit adhésion au symbole d’Athanase aussi bien qu’aux symboles des apôtres et des pères de Nicée, c’est-à-dire que de par le roi et les deux chambres la liturgie nationale condamne dans l’autre monde ceux qui dans celui-ci auront confondu les personnes ou séparé la substance, car le credo d’Athanase va jusque-là. L’adoption législative d’un texte dogmatique aussi menaçant est peut-être de tous les règlemens religieux de l’Angleterre celui qui a suscité le plus de scrupules et de résistances. C’est encore aujourd’hui un embarras pour les théologiens sincères, et si les choses étaient à recommencer, certainement on serait moins absolu; mais on n’ose relâcher aucun des liens de l’orthodoxie. L’acte d’uniformité, renouvelé sous trois souverains, et que l’amant de Nell Gwynn, catholique in petto, n’a pas manqué de sanctionner après Edouard IV et la reine Elisabeth, est encore en vigueur, et il a fallu du temps et du travail pour libérer de ses restrictions les chrétiens qui se passent de l’épiscopat anglican. Ces dissenters ou dissidens, longtemps soustraits à l’intolérance des lois par des sursis, des fictions, des évasions légales, ne se regardent comme affranchis en fait que depuis un bill de 1728, et ils ne l’ont été en droit que de nos jours; mais le défaut d’une liberté absolue ne les a pas empêchés d’exister et même d’être puissans.

C’est en 1534 que Henri VIII abolit en Angleterre l’autorité du pape. La législation contre les hérétiques ne fut point adoucie; il fut seulement réglé qu’aucune sentence contre eux ne serait exécutée sans un ordre du roi, qui, dans les cas graves, dut le donner en signant un writ ou warrant de hœretico comburendo. Cependant des anabaptistes hollandais étaient venus chercher un asile en Angleterre. Ils furent les premiers qui, sans être catholiques, éprouvèrent l’intolérance de l’église nouvelle, et dès 1534 quelques-uns furent