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C’était, au sentiment de l’église, un dogme qui, pour être mis hors d’atteinte, avait eu besoin de décrets des conciles. La lettre de l’Écriture n’avait pas suffi pour arrêter la témérité ou fixer l’incertitude. Les Cérinthe, les Tatien, les Noéthus, les Aétius, les Eusèbe, les Sabellius, et cent autres avaient interrompu la tradition, mal soutenue même par quelques pères de l’église. Comment espérer que le mouvement de la réforme n’entraînerait point sur leurs pas des théologiens enfin délivrés du joug de l’uniformité? L’examen qui remontait aux sources tenait peu de compte de ce qui s’était écrit après l’Evangile. Toute la littérature chrétienne était à refaire. La liberté de chercher et de croire devait donc retourner jusqu’à l’arianisme, et même ne s’y pas arrêter.

C’est en Italie que cette doctrine se ranima et donna naissance à la secte la plus célèbre qui l’ait professée chez les modernes. Vers 1540, un gentilhomme espagnol honoré de la faveur de Charles-Quint, Jean Valdès, apporta à Naples les livres de Luther et de Bucer; il se séparait sur quelques points seulement de l’église romaine, mais des protestans comme des catholiques sur la Trinité. Il communiqua ses idées au général des capucins, le Siennois Bernard Ochin, et des hommes venus de divers points de la péninsule formèrent à Vicence une société pour la restauration de ce qu’ils appelaient le monothéisme chrétien. La persécution ne tarda pas à la disperser. Quelques-uns de ses membres furent étranglés à Venise. Ochin prit la fuite et se retira en Angleterre. Lélius Socin, fondateur de la secte, prit le même parti, et tous deux cherchèrent ensuite un asile dans le nord-est de l’Allemagne, et jusqu’en Pologne, où ils rencontrèrent de vives sympathies. C’est là que se réfugia plus tard Fauste Socin, neveu du précédent, et Siennois comme lui. C’est là qu’il se forma des écoles et même des églises qui, sous le nom d’unitaires, allumèrent le foyer du socinianisme. Pendant plus de soixante ans, elles prospérèrent en liberté à côté des communions évangéliques.


III.

La réformation anglaise se ressentit peu de ces nouveautés. Il est remarquable que ce soient des Espagnols comme Valdès et Servet, des Italiens comme Ochin et les Socins, qui aient donné le signal auquel ont répondu des populations slaves. En Angleterre, les esprits sont hardis, mais sensés; en matière de réforme, on n’y fait que le nécessaire; on ose entreprendre, on sait s’arrêter. Quand on secoua le joug de Rome, deux influences déterminèrent le mouvement : l’une purement politique et qui ne s’attaquait point au dogme de la Trinité, l’autre véritablement religieuse, que ne dirigeait point un esprit d’infidélité,