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comme vérité religieuse, si aucun parti-pris, aucun esprit de secte, aucune passion, ne l’a dictée, si elle est l’expression consciencieuse de la raison, est permise au chrétien et compatible avec le droit d’en conserver le nom. — On sent que cette dernière latitude d’examen et d’interprétation peut aller assez loin, et mener jusqu’à la doctrine qui réduit la venue du christianisme à une heureuse révolution dans les croyances humaines, révolution où Dieu ne serait intervenu que comme providence. En remontant de ce christianisme tout philosophique jusqu’au formulaire et à la liturgie des anglicans, qui prétendent, quelques-uns du moins, rattacher leur épiscopat à la succession directe des apôtres, on aperçoit combien de degrés divers, de nuances différentes de croyance et de doctrine peuvent trouver place entre ces deux extrêmes. Suivant que l’esprit penche vers l’un ou vers l’autre, il incline vers la conception d’un christianisme dans lequel Dieu intervient par des miracles, ou bien d’un christianisme dans lequel Dieu n’est présent que par sa providence. D’un côté, l’action directe de Dieu dans la révélation de l’ère chrétienne se retrouve aujourd’hui dans les effets de la grâce et la puissance transformante de la parole. De l’autre, l’influence purement morale de la méditation pieuse, favorisée par les exemples et les leçons de l’Évangile, et qui ne vient de Dieu que comme de la source de tout bien, se signale par de telles régénérations, que ce mode de l’action divine peut avoir suffi à l’apparition même de la foi chrétienne sur la terre. Il y a place ainsi pour une multitude d’opinions intermédiaires, et par conséquent de sectes dans le protestantisme; mais toutes peuvent se ramener à deux tendances divergentes, dont l’une est accusée de retourner au catholicisme, l’autre de s’avancer jusqu’à la pure philosophie. La logique peut de part et d’autre signaler plus ou moins d’inconséquence; l’esprit de système peut censurer dans l’ensemble un défaut d’unité; mais ce sont là des choses de pure théorie, et dans le fait les épiscopaux d’Angleterre ou les luthériens de Prusse les plus zélés ne sont nullement disposés à se faire catholiques, de même qu’il y a dans les sectes les moins orthodoxes des croyans parfaitemens décidés à n’embrasser jamais le rationalisme philosophique; car ni la foi, ni la ferveur, ni la piété, ne sont subordonnées au dogme, et il se rencontre partout des cœurs chrétiens.

La religion est plus qu’une science. Cependant une pure science elle-même produit, bien qu’à un plus faible degré, les principaux effets d’une religion. Toute science est une connaissance réfléchie de la vérité. Or toute vérité engendre l’amour. L’homme ne connaît guère la vérité sans l’aimer. De la connaissance et de l’amour de la vérité naît un devoir envers elle. Celui qui sait porte à la vérité un respect dont ses actions mêmes doivent se ressentir. Si donc amour