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de docteurs, pour qu’elle soit sans erreur en un mot, il lui faut une inspiration plus qu’humaine; il faut qu’elle soit, comme on dit dans le mauvais langage du temps, supernaturelle ou supranaturelle[1]. Elle est tenue pour telle en effet dans son institution, et de là on conclut (conséquence un peu forcée) qu’elle est infaillible. L’infaillibilité sans la connaissance parfaite serait difficile à établir, et la connaissance parfaite dans l’église supposerait la divinité de l’église. Or cette expression serait choquante, et elle n’a pas été employée. Même en admettant que, l’église étant divinement instituée, la vérité miraculeusement révélée fût dans son sein miraculeusement conservée, on pourrait douter encore qu’elle fût pour cela miraculeusement exprimée et enseignée; mais on doit reconnaître que, l’hypothèse étant admise, la solution du problème a fait un pas.

On dit souvent que ce système est le seul vrai, parce qu’il est le seul conséquent. Je ne suis pas sûr que la conséquence soit le signe constant de la vérité. En tout cas, il reste dans ce système un point très faible, le principe une fois accepté. Qu’est-ce que l’église? C’est essentiellement la communion des fidèles. Ce serait donc en cette vie tout ce qu’il y a de christianisme catholique sur la terre. Ce n’est pas cependant au suffrage universel que les théologiens décernent l’infaillibilité. L’autorité infaillible, ce n’est pas la société chrétienne; c’est tout au plus la société chrétienne représentée par le corps ecclésiastique. J’en dis trop encore, c’est la réunion seulement de ceux des pasteurs qui, de droit ou de fait, peuvent s’assembler en conciles, ou même c’est le chef de l’église, le premier des pasteurs, le pape. On ne décide point ici la question ; il suffit que ce soit, ou même que c’ait été une question, pour que le caractère de parfaite conséquence de la doctrine en soit profondément altéré.

D’autres discordances se présentent en plus grand nombre dans le protestantisme. La réformation a entrepris de chercher la vérité religieuse dans le texte et l’esprit des livres saints, indépendamment de la tradition de l’église romaine. Si, tout en admettant la révélation du christianisme et l’inspiration de l’Écriture, on ne reconnaît l’existence d’aucun tribunal infaillible en matière de foi, il est naturel d’appliquer toutes les forces de la raison et de la conscience à l’intelligence des deux Testamens. C’est ce que Luther et ses contemporains ont fait. Ils ont cru avoir retrouvé ainsi le sens réel de l’Écriture, c’est-à-dire une connaissance plus parfaite de la vérité chrétienne. Rien ne serait plus simple, plus conforme aux procédés habituels de l’esprit humain que ce fait d’un progrès dans

  1. Ni l’une ni l’autre locution n’est bonne; mais la première signifie le contraire de ce qu’on lui fait dire. En français, superfin signifie ce qu’il y a de plus fin.