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sur des erreurs de définition ou d’expression, les corrompre encore par des accessoires arbitraires que seules nous font accueillir l’imagination ou la passion, voilà comme procèdent les religions fausses. Mais il n’est pas aisé de préserver même une religion vraie des erreurs de l’humanité. Le christianisme a un mérite éminent que ne contesteront pas ses plus grands ennemis : non-seulement il est tenu pour la seule vraie religion par les fidèles, cela est tout simple, mais il est accepté hors du cercle des fidèles, par quiconque le connaît bien, pour une religion vraie, et même pour la religion la plus vraie. Cela ne suffit pas cependant pour qu’il soit l’objet d’une connaissance exacte ni d’une intelligence parfaite. Les vérités qu’il révèle, ne fût-ce que parce qu’elles sont en cette vie conçues et traduites par l’esprit humain, parce qu’elles sont écrites dans le langage merveilleux, mais imparfait, mais inexact que parle l’humanité, ne peuvent par elles-mêmes se faire comprendre sans altération, sans obscurités, sans lacunes, de celui à qui elles sont enseignées. Aucun homme ne pense absolument sans nulle erreur la vérité chrétienne; personne n’est infaillible.

C’est un penchant fort naturel que de chercher l’infaillibilité. L’orgueil a de la peine à ne pas se l’attribuer quelquefois, et il se dédommage de ne pouvoir y compter toujours, en se figurant qu’il la connaît et qu’il sait où la trouver. Quand il s’agit des sciences humaines, ces illusions n’ont pas grand danger. Elles font durer un peu plus longtemps les erreurs, elles ralentissent les progrès : c’est là leur plus grand mal; l’esprit néanmoins ne tarde pas à s’en affranchir, et l’on peut dire qu’aujourd’hui le joug de l’autorité ne pèse plus sur les sciences. Mais comme les lois, comme le gouvernement, la religion est plus qu’une science; elle constitue ceux qui la professent en une société dont elle est la charte sainte. Presque toujours elle s’organise comme une institution, et ainsi il survient en elle une autre autorité que sa vérité même. Une autorité qui fait comprendre et accepter la vérité, qui en donne le sens avec certitude, qui est telle que son interprétation de la vérité soit rigoureusement exempte de tout mélange d’erreur, serait une autorité infaillible. Si cette autorité existe, elle n’est pas humaine; on sait où l’a trouvée la foi catholique. Pour les catholiques, l’Écriture sainte, tout inspirée qu’elle est de Dieu même, et quoiqu’elle contienne toute vérité religieuse, n’a point à elle seule la vertu de la transmettre sans mélange au lecteur le plus attentif et le plus soumis. À côté de l’Écriture il y a une tradition, puis une autorité, interprète de l’Écriture et dépositaire de la tradition : c’est l’église. L’église, perpétuelle et universelle comme la vérité, l’enseigne en même temps qu’elle la représente. Pour qu’elle soit autre chose qu’un tribunal éclairé ou un corps respectable