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SIR ROBERT PEEL.

bien compris mes paroles, s’il les avait citées complètement, et s’il avait consulté le commentaire que j’en avais donné moi-même deux mois auparavant en traitant cette question dans la chambre des députés, il se serait épargné une erreur matérielle, une injustice morale et une marque de peu de sagacité politique en pareille matière. Je disais, dans ma protestation contre la destruction de la république de Cracovie, non pas : « La France doit se réjouir que l’occasion lui soit aujourd’hui fournie de ne plus consulter désormais que le calcul prévoyant de ses intérêts ; » mais : « La France pourrait se réjouir d’un acte qui l’autoriserait, par une juste réciprocité, à ne consulter désormais que le calcul prévoyant de ses intérêts, et c’est elle qui rappelle à l’observation fidèle de ces traités les puissances qui en ont recueilli les principaux avantages ! C’est elle qui se préoccupe surtout du maintien des droits acquis et du respect de l’indépendance des états ! »

Et le 3 février 1847, en expliquant et discutant notre politique dans cette affaire, j’avais dit :

« Le gouvernement du roi a vu, dans la destruction de la république de Cracovie, un fait contraire au droit européen ; il a protesté contre ce fait qu’il a qualifié selon sa pensée. Il en a pris acte, afin que dans l’avenir, s’il y avait lieu, la France pût en tenir le compte que lui conseilleraient ses intérêts légitimes et bien entendus… Mais en même temps qu’il protestait, le gouvernement du roi n’a pas considéré l’événement de Cracovie comme un cas de guerre… Nous n’avons pas cru que le moment où nous protestions contre une infraction aux traités fût le moment de proclamer le mépris des traités ; nous n’avons pas cru qu’il convînt à la moralité de la France, à la moralité de son gouvernement, de dire à l’instant même où nous nous élevions contre une infraction aux traités : — Nous ne reconnaissons plus de traités… — Nous ne croyons pas que l’infraction aux traités de Vienne, quant à Cracovie, soit un motif suffisant pour que la France proclame qu’elle se regarde comme hors de ces traités, et qu’il ne dépend plus que de sa volonté seule de n’en tenir aucun compte… Nous ne croyons pas que le droit public européen soit aboli entre nous et les trois puissances dont il s’agit, et, pour notre compte, nous sommes décidés à l’observer loyalement. »

Je n’ai pas besoin d’insister, les textes suffisent. Évidemment, tout en faisant pour l’avenir des réserves indiquées, je pourrais dire commandées par les maximes élémentaires du droit des gens, j’avais pris, pour le maintien de l’ordre européen, toutes les précautions, j’avais fait, sur le sens et la portée de notre protestation, toutes les déclarations qu’eût pu souhaiter le plus scrupuleux gardien de la foi des traités et de la paix. Évidemment aussi sir Robert Peel n’avait