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le procédé de M. Gontier, on commençait par humecter les vignes en les aspergeant d’eau; on les saupoudrait ensuite à l’aide d’un soufflet spécial. En agissant ainsi, on se proposait de mieux faire adhérer la fleur de soufre sur les sarmens, les feuilles et les fruits. Cette double opération, qu’il convient de répéter plusieurs fois, pouvait convenir aux petites cultures; mais elle eût été trop dispendieuse pour les grands vignobles. M. Rose Charmeux réduisit de beaucoup la main-d’œuvre en saupoudrant les vignes à sec. Cette innovation lui valut une des plus hautes récompenses de la Société d’Horticulture, sur le rapport d’une commission qui en avait constaté l’application heureuse dans 120 hectares des vignes de Thomery en 1853. Dès-lors le soufrage se répandit sur tous les points de la France où la vigne est cultivée en grand. Le soufre raffiné, sous la forme de fleur de soufre, en éprouva un renchérissement tel que sa valeur en fut augmentée de 50 pour 100, car la fabrication s’était trouvée momentanément insuffisante.

Toutefois, dans nos provinces méridionales, où la température élevée, coïncidant avec une humidité assez grande, hâte singulièrement les développemens de la cryptogame parasite, l’application du soufre en temps utile rencontrait souvent des obstacles insurmontables, ou du moins, après un premier soufrage, le succès était compromis par une nouvelle et rapide invasion de la maladie. Ce fut dans ces circonstances difficiles que M. Mares, ingénieur sorti de l’École centrale et propriétaire d’un vignoble de 2 kilomètres d’étendue en carré aux environs de Montpellier, qui contient une grande variété de cépages, de terrains et d’expositions en plaines et sur des coteaux, entreprit l’essai en grand des nombreux moyens proposés contre la maladie qui depuis 1851 sévissait avec force sur son domaine. Il serait trop long de rapporter ici toutes les tentatives faites par M. Marès sur les diverses parties de son vignoble ; il suffit de constater que la fleur de soufre seule lui donna des résultats à la fois utiles, économiques et constans, et nous indiquerons brièvement les précautions à prendre pour assurer le succès du traitement reconnu maintenant comme le plus efficace.

L’ustensile généralement en usage pour répandre le soufre est un soufflet de forme spéciale, portant un réservoir en fer-blanc entre le corps et la douille. La charge du soufflet est de 250 grammes (1/4 de kilo); elle suffit pour couvrir de poussière 30 ou 50 souches, suivant l’étendue de leurs pampres. L’opérateur doit se placer de façon à présenter le dos ou l’un des côtés au vent, afin d’éviter la projection, dans ses yeux, des particules de soufre qui pourraient, au dire des médecins, occasionner des ophthalmies. Le soufrage doit toujours être fait à temps, c’est-à-dire dès que les premiers signes de la maladie ou les efflorescences blanchâtres apparaissent, ce qui