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M. L. D. Schweinitz, botaniste qui a longtemps séjourné en Amérique, une grande analogie avec l’oïdium tuckeri. Or on sait que cette dernière cryptogame est considérée comme un érysiphe par M. Tulasne, membre de l’Académie des Sciences[1].

Quoi qu’il en puisse être de l’origine du mal de la vigne, aucune tradition ne nous est parvenue qui nous autorise à croire que dans les temps antérieurs à notre siècle, aussi loin qu’il soit possible de se placer, ce mal singulier ait jamais acquis les proportions d’un véritable fléau qu’il a si rapidement prises de nos jours. « On ne sait rien de positif, lisons-nous dans un rapport adressé en 1852 au ministre de l’agriculture[2], sur l’époque précise à laquelle les vents jetèrent les spores du fatal oïdium sur le continent; mais, circonstance notable, on le vit en 1847 d’abord dans les cultures forcées des environs de Paris, d’où il passa bientôt sur les treilles, comme il avait fait en Angleterre. » En Angleterre cependant, le mal ne pouvait s’étendre, l’aliment lui devait manquer presque aussitôt. Il en fut tout autrement chez nous, et, peu de temps après, sur tout le continent; on le vit surgir à la fois en 1848 à Versailles, à Suresnes dans les serres du baron de Rothschild, en Belgique dans les serres chaudes et sur les treilles; il commençait dès lors à se répandre sur les vignes de pleine terre. En 1849, il affectait encore une préférence marquée pour les cultures des vignes en serres chaudes du nord de la France, mas il s’étendait par degrés sur les treilles et les vignes des champs.

Dans cette même année 1849, la Société centrale d’Agriculture de Paris était pour la première fois saisie, par une communication du docteur Montagne, de l’étude de cette importante question, qu’elle a depuis poursuivie sans relâche, et qui s’est élucidée dans son sein, grâce aux travaux de ses membres et correspondans, en particulier de MM. Montagne, Bouchardat, le révérend Berkeley, Pépin de Mortemart, Mares et le comte Odart. À cette époque, la Société centrale apprenait de M. Bonnet l’invasion de la maladie dans le département du Doubs, et constatait la présence de l’oïdium sur les ceps envoyés par ce correspondant. A peine pouvait-on alors observer les premières traces de son apparition dans le midi de la France. J’avais l’occasion de faire connaître à la Société

  1. L’érysiphe que M. Schweinitz nomme necator envahit les raisins de quelques variétés de la vigne labrusque : ubi omnino evoluta hœc species destruit uvas. Le même auteur appelle erysiphe mors uvœ une espèce qui attaque exclusivement et détruit quelquefois pendant plusieurs années consécutives les fruits du groseillier à maquereau (ribes grossularia).
  2. Par M. Louis Leclerc, que ce ministre avait chargé d’une mission spéciale d’enquête relative à la maladie de la vigne.