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n’hésitons pas à la regarder comme un droit d’insurrection, à côté duquel le gouvernement le plus habile et le plus honnête ne saurait se maintenir, à moins qu’il ne se décide à oublier complètement la véritable mission du pouvoir suprême, qui est de prendre pour guide la justice et l’intérêt de tous, et qu’il ne s’abaisse à flatter les passions et les convoitises d’une majorité peu éclairée.

Le règlement organique doit être purgé de toutes ces fictions, et le corps électif devenir le résultat de la confiance librement exprimée du pays. L’assemblée, ainsi constituée, devra voter ou rejeter le budget en toute liberté, elle aura la faculté de consentir ou de repousser les lois proposées par le gouvernement ; mais là devront se borner ses attributions, parce que là se bornent son instruction politique et les besoins réels du peuple dont elle représentera les intérêts.

Ces considérations nous sont dictées par une étude approfondie de l’état des principautés et par l’intérêt que nous inspire la population roumaine ; elles expriment aussi l’opinion des hommes les plus éclairés dans les principautés. Nous ne nous défions point d’une liberté sage, modérée, limitée aux besoins du véritable état moral, social et politique des Roumains : nous la souhaitons, nous la jugeons indispensable à leur prospérité et à leur avenir ; mais nous redoutons pour eux des institutions qui ne leur apporteraient que l’apparence de la liberté, et cacheraient sous cette apparence la corruption, les désordres et les maux qui en sont la véritable conséquence, comme ils ont pu s’en convaincre depuis 1843.

D’après les considérations qui précèdent, nous indiquerons comme praticables les dispositions suivantes :

Tout propriétaire foncier, majeur, jouissant des droits civils, possédant une terre de 300 toises de largeur pour la Valachie[1], ou de 500 falches[2] en surface pour la Moldavie, aurait la faculté de voter aux élections des députés à l’assemblée législative.

Chaque district (la Valachie en a dix-sept et la Moldavie en a treize) élirait deux députés ; vingt députés pour Bucharest, douze pour Yassy, seraient en outre élus par les propriétaires fonciers domiciliés dans ces deux capitales avec les mêmes attributions que dans les districts.

Les collèges électoraux seraient présidés par des fonctionnaires désignés par le gouvernement ; mais les bureaux seraient choisis par es électeurs.

Tout propriétaire foncier âgé de trente ans, jouissant de ses droits politiques et civils et possédant une terre de 500 toises de largeur

  1. En Valachie, les terres et les terrains se mesurent par la largeur et non par la profondeur, toujours beaucoup plus considérable.
  2. La falche est la toise moldave.