Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 5.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

principautés. Nous avons indiqué ce qu’on avait fait et ce qu’il y avait encore à faire ; mais ces réformes auraient peu de chances d’être appliquées avec succès, si elles n’étaient accompagnées de réformes politiques dans les institutions des principautés.

Et d’abord on peut affirmer, sans crainte d’être démenti, qu’il n’y a pas de gouvernement et de réformes utiles possibles dans les principautés du Danube sans représentation nationale et sans publicité. L’autorité du prince ne saurait se faire respecter et chérir, si elle n’est point appuyée par un corps électif, expression de l’assentiment général. C’est là un fait antique dans les provinces danubiennes, et il n’est nullement question d’appliquer ici une théorie nouvelle.

Nous n’entendons point par représentation nationale telle ou telle forme de gouvernement parlementaire inapplicable dans les principautés ou même dangereuse pour leur existence, mais le maintien d’un corps électif qui serve de frein aux ministres du prince, et qui donne à leurs actes une sanction morale sans laquelle, — si justes et si nécessaires qu’ils puissent être, — ces actes courraient risque d’être considérés ou représentés dans le pays comme arbitraires et oppressifs. Il s’agit donc simplement de corriger celles des dispositions du règlement organique dont l’expérience a démontré clairement l’insuffisance ou le danger. Tels sont à notre avis : 1o les privilèges exclusifs accordés à la boyarie par la loi d’élection, 2o les droits d’initiative et d’amendement réservés à l’assemblée, 3o enfin la faculté laissée à l’assemblée de présenter des doléances contre le prince.

Ces dispositions sont profondément défectueuses, parce qu’elles reposent sur des fictions. La boyarie n’a plus l’importance que le règlement organique lui suppose, la déconsidération l’a atteinte doublement. D’un côté la plupart des anciennes familles ont disparu ou se sont ruinées, de l’autre des services souvent honteux, des fortunes indignement acquises, ont grossi ses rangs, mais en l’affaiblissant. Comme tous les corps qui n’ont plus de raison d’être et qui ne représentent plus la société, la boyarie a quelques intérêts directement contraires au maintien de l’ordre et d’une administration régulière. Il est donc imprudent et même dangereux de lui conserver un privilège politique qui n’est en général pour elle qu’une facilité pour commettre ou couvrir des abus.

L’initiative et le droit d’amender les lois supposent un degré d’instruction politique qui n’existe point dans les principautés. Accorder au corps électif des attributions qu’il ne saurait remplir d’une façon profitable pour le pays, c’est organiser avec une coupable légèreté entre le prince et le corps électif des tiraillemens qui ne serviraient qu’à rendre impossible la marche du gouvernement.

Quant à la faculté de doléances laissée à l’assemblée, nous