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sède ; 2o  de fournir en outre une journée de labour, de transporter, à la distance de six heures, un chariot de bois coupé dans la forêt du propriétaire, ou bien un chariot de foin, ou cinq cents okas de grains, ou soixante vedros[1] de boisson. Pour un chariot à quatre bœufs, la charge est double. Dans le cas où le paysan n’a point de bestiaux, ou que le propriétaire n’en requiert pas le service, le paysan est tenu de travailler de ses mains, en place de la journée de labour, trois jours, ou de payer le prix de ces trois jours d’après un taux fixé tous les trois ans par l’assemblée générale, et trois autres jours en place de la journée de transport ; 3o  le paysan est obligé de donner la dixième partie du produit de culture des pogones qui lui sont accordés, et de l’apporter au lieu désigné sur la terre par le propriétaire ; 4o  dans le cas où il y a impossibilité pour le propriétaire de fournir l’étendue du terrain assigné par la loi, les obligations du cultivateur sont modifiées d’après les articles de la loi relatifs à ce sujet.

« Tout village fournit en outre chaque année, en qualité de serviteurs disponibles, quatre hommes sur cent familles, destinés à tour de rôle à être employés par le propriétaire à son service sur la terre même. Ces quatre hommes peuvent être remplacés par des journées de travail ou par un paiement en argent, d’après un arrangement de gré à gré entre le propriétaire et le paysan. Tout paysan peut se déplacer en cas qu’il n’ait pas reçu le terrain voulu par la loi, ou bien s’il devient propriétaire, ou s’il se marie, et veut aller s’établir au foyer de sa femme. Il est toutefois obligé, en pareil cas, de prévenir le propriétaire six mois avant le déplacement, et de s’acquitter de toutes ses redevances pour une année d’avance avec le propriétaire, et, jusqu’au nouveau recensement, envers la commune. Dans la dernière supposition, il doit surtout sacrifier tous ses immeubles au profit du propriétaire foncier. »


Tels étaient les droits et les devoirs du paysan valaque lorsque éclata la révolution de juin 1848 ; en Moldavie, les droits étaient les mêmes, moins étendus peut-être, et les devoirs étaient beaucoup plus onéreux. La commission instituée en vertu de l’acte de Balta-Liman présenta son rapport en février 1850, et la nouvelle loi réglant les relations des cultivateurs et des propriétaires fut promulguée en vertu d’un firman de la Porte-Ottomane du mois de mars 1851. C’était surtout en Valachie que la nouvelle loi apportait des améliorations réelles au sort des paysans ; des facilités leur furent données pour passer d’une terre à une autre, et les arrangemens de gré à gré entre les propriétaires et les cultivateurs furent entourés, en droit, de toutes les garanties. Les droits et les charges des propriétaires et des cultivateurs furent réglés, et on maintint, pour les premiers, l’obligation de donner aux seconds pour leur compte de la terre en proportion de la quantité de terrain qu’ils pouvaient labourer pour les propriétaires, si bien qu’un ministre de France, qui avait apporté à la diplomatie l’éclat d’une brillante carrière militaire, qualifiait le règlement valaque de droit à la terre et de servitude imposée à la

  1. L’oka vaut 12 litres ; le vedro vaut environ un décalitre.