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les prieurs reçoivent des frais de représentation. Les boyards en abusent quelquefois, et la conversation de ces prieurs ressemble beaucoup trop à celle des aubergistes, qui se plaignent de la cherté des subsistances. On mange dans les Carpathes d’excellentes truites, et les abbés ne dédaignent pas de les garder sous clé dans des viviers, où ils vont les chercher eux-mêmes pour les voyageurs, quand ils veulent les traiter avec magnificence. La vie religieuse apparaît à peine ; on dirait des fermiers en habit ecclésiastique.

J’avais donc vu en Valachie comme en Moldavie d’importans établissemens religieux qui se partageaient en quelque sorte, avec la boyarie, la grande propriété. Quel esprit animait cette nombreuse population monastique ? dans quelle mesure concourait-elle aux charges de l’état ? quelles réformes appelait sa situation ? Telles étaient les questions auxquelles mon excursion dans les Carpathes me permettait de répondre.

L’ascendant moral acquis dans ces couvens à la puissance qui est le représentant le plus naturel des intérêts de l’église grecque est beaucoup moins grand qu’on ne peut le supposer. Cet ascendant n’est accepté qu’autant qu’il maintient des privilèges ou même des abus. En faisant cesser ces privilèges, on arrive à une question d’une haute importance, celle du concours des couvens aux charges de l’état, et qui nous paraît mériter, entre toutes, un examen sérieux.

Commençons par établir que dans les principautés tous les biens ecclésiastiques ne sont pas soumis à des règles uniformes. La Valachie a une métropole et trois évêchés suffragans, qui jouissent d’un revenu annuel de 3 millions de piastres (à peu près 1,l48,000 fr.). La cinquième partie de ce revenu est mise à la disposition des titulaires pour leurs aumônes, leurs dépenses personnelles et celles de leurs maisons. Les quatre cinquièmes restant servent à l’entretien des églises, au paiement des tribunaux ecclésiastiques, au traitement des curés et vicaires, aux frais des séminaires et de l’instruction religieuse, etc. Un dixième de la somme totale est censé devoir être mis en réserve pour les dépenses imprévues.

Après la métropole et les évêchés viennent les couvens dits nationaux. Ceux-ci jouissent d’un revenu de 8 millions de piastres (3,976,000 fr.). Ce revenu, recueilli par une caisse nommée caisse centrale, est réparti ainsi : 900,000 piastres pour l’entretien des églises, la nourriture et l’habillement des religieux ; 1,800,000 piastres versées à l’état, et destinées aux établissemens de bienfaisance et d’instruction publique. Le reste, — plus de la moitié de la somme, — est censé devoir être mis en réserve ; mais nonobstant les garanties contenues dans le règlement organique, il n’y a pas eu un liard de réservé depuis quinze ans.

Outre ces couvens, il en est auxquels leur bonne administration a