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chi. Au milieu de cette vie intérieure si calme, si dépourvue d’événemens, les distributions annuelles des prix des lycées viennent d’avoir lieu avec la solennité accoutumée. M. Rouland n’était point encore nommé, et c’est le maréchal Vaillant, comme ministre par intérim de l’instruction publique, qui a présidé cette fête du grand concours. Le maréchal Vaillant a parlé du travail avec autant de simplicité que de raison. Il avait auprès de lui le maréchal Pélissier, et cette élévation due aux services d’une longue carrière était le plus éclatant exemple à offrir à des générations qui entrent dans la vie. Du reste, dans presque tous les discours prononcés à l’occasion des distributions de prix des divers lycées, on retrouve une même pensée, celle de rappeler à l’esprit de la jeunesse l’excellence et la moralité du travail, afin de la mieux détourner des séductions vulgaires, des entraînemens matériels, des spéculations et des jeux de bourse : pensée juste et sage sans doute ; mais l’éducation ne se fait point seulement dans le collège. Elle se fait dans le monde aussi, et c’est dans le monde qu’il faut entretenir ces saines idées, pour que, sous cette influence, s’élève une jeunesse virile, faite pour les grandes choses, ou tout au moins pour le bien.

À mesure que les années s’écoulent et que les œuvres de ce siècle s’accumulent, on dirait que chacun sent le besoin de se rendre compte de ce qu’il a fait ou de ce qu’il a voulu faire, de divulguer sa part d’action individuelle dans le mouvement général. Que d’hommes se sont succédé et ont été mêlés à ce drame contemporain aux cent actes divers, aux innombrables personnages ! Que de figures ont passé sur la scène du monde, les unes éclatantes et populaires, les autres ingrates et bientôt oubliées, figures de soldats, d’orateurs, de diplomates, de jurisconsultes, de philosophes ! Le drame n’est point fini, il ne s’interrompt jamais à vrai dire ; mais on a chaque jour des révélations de beaucoup de ces acteurs qui ont eu un rôle dans les affaires de leur temps, et qui ne veulent point disparaître sans dire un dernier mot sur les événemens auxquels ils ont pris part. Ces révélations ont un puissant intérêt, quand elles émanent d’un homme d’une importance dominante, quand elles éclairent les parties obscures de l’histoire, surtout enfin lorsqu’elles sont la confidence d’un mort à la postérité. M. Dupin fait mieux, il publie ses Mémoires de son vivant, il se fait à lui-même, si l’on peut ainsi parler, une postérité tout actuelle et contemporaine, ce qui est peut-être un malséant témoignage de défiance à l’égard de la postérité véritable. Après avoir raconté sa vie judiciaire dans le premier volume de ses Mémoires, M. Dupin raconte aujourd’hui dans le second volume sa vie politique, cette vie qui commence dans la chambre des représentans de 1815 et qui se prolonge jusqu’au 2 décembre 1851. L’auteur rassemble tous les souvenirs de sa carrière politique, de son existence parlementaire ; c’est M. Dupin député, ministre, président. À tout prendre, M. Dupin reste toujours un peu, ce nous semble, l’homme de sa première profession ; en entrant dans la vie politique, il ne manque point de se dire que c’est une cause de plus à