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cessamment à rendre les traités plus efficaces, en stimulant la régénération de l’empire ottoman, en favorisant une réorganisation solide et vigoureuse des principautés. L’occasion est peut-être unique aujourd’hui. Ces populations roumaines demandent à être unies et à former un état compacte. L’accueil qu’elles viennent de faire à l’envoyé de la France, dont la politique est connue, est un témoignage de leurs dispositions. Le meilleur moyen en ce moment ne serait point de prétendre découvrir un prince étranger pour le mettre à la tête du nouvel état. D’ailleurs où trouverait-on ce prince ? L’exemple de la Grèce n’est point à coup sûr des plus concluans. On peut du moins rapprocher les populations des deux principautés, les placer sous un même régime, les faire vivre d’une même vie, et préparer le jour où cette nationalité, debout et vivante, sera une force et une barrière. C’est là la question qui reste à résoudre aujourd’hui, qui sera bientôt agitée sans doute par la commission européenne envoyée dans les principautés, et si les deux provinces manifestent nettement leurs vœux, il est difficile que toutes les oppositions ne cèdent point à cette heureuse force des choses.


Maintenant, tandis que les plus délicats et les plus graves problèmes de politique extérieure s’agitent encore en Orient, dans cette demi-obscurité de complications secondaires, que devient l’Espagne, ce théâtre d’agitations et de conflits d’un autre genre ? Quels sont les résultats de la dernière crise ? sous quels aspects nouveaux se dessine la situation de la Péninsule ? Il y a un premier fait à constater : le gouvernement est sorti victorieux de la lutte engagée contre lui par les passions révolutionnaires. La prompte et décisive défaite de l’insurrection à Madrid a exercé une visible influence sur le reste du pays. À Barcelone, il est vrai, le choc a été redoutable et sanglant, et on a vu se reproduire des épisodes tragiques, des scènes de meurtre comme il y en eut en France dans les sinistres journées de juin. Quatre jours de combat cependant ont épuisé ce feu dans la ville même, et la pacification de la Catalogne tout entière s’en est bientôt suivie. Saragosse, qui s’était constituée en centre politique, presque en gouvernement, Saragosse a fini par reculer devant une lutte devenue impossible en l’absence du concours des autres provinces. Le général Dulce, envoyé de Madrid en Aragon avec une petite armée, a trouvé une insurrection déjà en déroute. Il n’a eu qu’à garder pendant quelques jours une attitude d’observation pour laisser à la junte révolutionnaire le temps de se dissoudre elle-même et de lui ouvrir les portes de la ville. Saragosse et l’Aragon se sont soumis sans combat, sans effusion de sang, par le simple effet de quelques négociations qui ont permis aux principaux chefs de gagner la frontière de France. Les autres villes, moins compromises d’ailleurs, ont suivi cet exemple de soumission. En quelques jours, cette ébullition révolutionnaire s’est calmée, et le gouvernement est resté le maître de l’Espagne. Il s’est trouvé le maître du pays plus même qu’il ne pouvait l’espérer, car la lutte engagée contre lui et dénouée en sa faveur le plaçait dans une situation prépondérante, et mettait