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ascendant semblable à celui qui s’élève au-dessus de tous les corps échauffés ; c’est ce courant qui fait monter la flamme et la fumée de nos foyers domestiques ou des feux qu’on allume en plein air. On sait que ces courans qui s’élèvent de la zone torride vont ensuite se déverser vers les deux pôles et y tempérer la rigueur du froid. Or ce courant ascendant, emportant avec lui sa vapeur, est précisément dans le même cas que celui qui s’élève le long de nos montagnes. Il monte en vertu du mouvement primitif qu’il reçoit de l’action du soleil et va se refroidir en se dilatant dans les régions supérieures de l’atmosphère, d’où résultent ces pluies qui font de l’Amazone une mer d’eau douce dont la longueur se compte par milliers de kilomètres, et la largeur par centaines des mêmes mesures.

Voici maintenant la cause qu’on peut assigner à la catastrophe météorologique qui a désolé naguère la région moyenne de la France.

Tout le monde connaît l’immense courant d’air chaud qui, sous le nom de vents alisés, marche vers l’ouest entre les tropiques. Une portion de ce courant se déverse sur l’Atlantique et revient des États-Unis à la France et à l’Europe, en passant sur un courant d’eau chaude qui suit la même route, et qui tempère ce vent de retour de manière à produire pour la France un climat d’une qualité supérieure à toute autre contrée située à pareille distance de l’équateur. D’après les lignes de chaleur tracées par M. de Humboldt, si on prend une localité quelconque au milieu de la France, par exemple en Champagne ou en Bourgogne, on ne trouvera qu’en se rapprochant du midi des localités également favorisées pour la chaleur et les productions du sol qui en dépendent. Ce courant d’air tempéré, qui jette sur la France une sorte de manteau protecteur, se déverse par un premier embranchement vers Marseille, puis, par une seconde branche, il entre par Trieste dans la mer Adriatique, puis encore il redescend en partie vers l’équateur par la Mer-Noire, par la mer Caspienne, par la Perse et par l’Inde. Il rejoint ainsi le grand courant des vents alises. Plus loin, les chaînes de l’Himalaya et de l’Altaï de Sibérie lui opposent une barrière infranchissable, et stérilisent ainsi toute la Chine occidentale. Voilà donc établi le régime normal de notre atmosphère française et européenne. Or depuis plusieurs années ce courant, qui accostait l’Europe par le milieu de la France, s’était peu à peu déplacé; il était remonté jusqu’à la Baltique et au nord de l’Allemagne, et il avait interrompu le décroissement régulier de la chaleur à mesure qu’on s’élève vers le pôle, à tel point que le nord de l’Allemagne se trouvait momentanément plus chaud que le milieu de cette vaste contrée.

C’est sans doute cette circonstance qui a rendu les dernières années remarquablement sèches dans l’Angleterre du sud. Le courant humide passait plus haut. Je n’ai pas besoin de dire que cet état de choses était exceptionnel et pour ainsi dire forcé. Ce n’est point là le régime habituel du courant atlantico-européen, lequel passe d’ordinaire par le milieu de la France. Cette année, une rechute s’est opérée. Le courant a repris son ancienne