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l’influence calorifique des rayons solaires, doivent fréquemment retarder la marche de ces courans capricieux. Or tout courant qui sera arrêté ou seulement retardé dans sa route se renflera, se soulèvera en augmentant de hauteur tout comme s’il eût été soulevé dans toute son épaisseur en glissant le long d’une pente inclinée. L’effet sera donc le même, il y aura dilatation et refroidissement. Telle est l’origine de la pluie qui alimente nos rivières des plaines. Alors la pluie s’échappe de toute la masse du courant d’air qui s’est dilaté en s’arrêtant, et on explique ainsi comment il tombe plus de pluie dans une plaine que sur une hauteur saillante au milieu, et comment, par exemple, on recueille sensiblement plus de pluie dans l’appareil qui est placé au pied de l’Observatoire que dans celui qui est sur la plate-forme élevée de ce grand édifice. Il y a un petit nombre d’années, il ne pleuvait point dans la Basse-Egypte. Les vents constans du nord, qui y règnent presque exclusivement, passaient sans obstacle sur cette terre privée de végétation, et, sur les toits d’Alexandrie, on conservait les grains sans les recouvrir ou les préserver des injures de l’atmosphère; mais depuis que des plantations y ont été faites, il en résulte un obstacle qui retarde le courant d’air septentrional. Cet air retardé se gonfle, se dilate, se refroidit et donne de la pluie. Les forêts des Vosges et des Ardennes produisent le même effet pour le nord est de la France, et nous donnent une forte rivière, la Meuse, aussi remarquable par le volume de ses eaux que par le peu d’étendue de son bassin. Sous le point de vue du retard d’un courant et des effets de ce retard, un de mes illustres confrères, M. Mignet, non moins penseur profond qu’écrivain éloquent, me suggérait que, pour produire de la pluie, une forêt valait une montagne. Cette remarque est vraie à la lettre. Enfin eu plein océan, où le retard d’un courant aérien ne peut provenir ni des inégalités du terrain, ni de la présence des forêts, ni du contournement des vallées, il a bien d’autres causes, par exemple la rencontre de courans contraires, l’effet des vents d’est et d’ouest que chaque jour amène le soleil, peut-être même l’agitation que le vent imprime à la mer pour faire les vagues, agitation qui ne peut être produite par l’air sans que celui-ci ne perde de son mouvement, en en communiquant une partie aux flots qu’il tourmente de mille manières.

Si l’on jette les yeux sur une mappemonde et qu’on soit instruit de la marche générale des courans de l’atmosphère, on aura le secret de tout ce que fait la nature pour l’arrosement de notre globe. Partout où il y aura une cause de soulèvement des masses d’air soit à raison des chaînes de montagnes soit par un arrêt des masses d’air mobilisées, il devra pleuvoir, et on verra naître des rivières. Un seul mot cependant sur ces pluies tropicales qui sont si abondantes dans la zone torride où l’air, étant très chaud, contient par là même une grande quantité de vapeur d’eau. Lorsque le soleil arrive d’un côté ou de l’autre de l’équateur sur la tête des habitans de ces régions, il détermine par la chaleur de ses rayons, tombant à plomb, un courant