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respirable. Un air trop sec dessèche les poumons et incommode les hommes, les animaux et même les plantes. C’est ce qu’on éprouve dans les ascensions en ballon ou sur les sommets des montagnes, car l’air y est presque privé totalement de vapeur d’eau. On connaît les effets désastreux du sémoun ou vent sec du désert. Une trop grande humidité de l’air a aussi ses inconvéniens pour l’hygiène, et tout le monde connaît la malaria des lieux chauds et humides. En comparant sous ce point de vue l’Angleterre et la France, Paris et Londres, nous trouvons qu’à Paris l’air contient en général moitié de la vapeur totale qu’il peut porter avec lui, tandis qu’à Londres cette quantité approche de l’humidité extrême, et les bois ne peuvent s’y conserver que sous une couche de vernis qui les préserve de cette influence destructive.

Au reste, rien n’est plus facile que de forcer l’air à déposer l’eau qu’il contient sous forme de vapeur : il suffit de le refroidir. Tout vase qui l’été contient de l’eau froide ou de la glace se couvre à l’extérieur d’une couche épaisse d’eau qui bientôt après ruisselle le long de ses parois et peut être recueillie en assez grande abondance. C’est ainsi que les larges feuilles des choux et des plantes potagères, refroidies par l’exposition à ciel découvert, rassemblent, non pas de simples gouttes, mais bien de petites flaques d’eau très pure qui en remplissent toute la concavité. C’est la théorie de la rosée.

Une donnée importante de la question qui nous occupe, c’est que l’air contient d’autant plus de vapeur d’eau qu’il est à une température plus élevée, en sorte que dans les régions équatoriales l’atmosphère porte une bien plus grande masse d’eau que dans nos climats. Chez nous même, il y a entre l’hiver et l’été une grande différence pour la vapeur mélangée à l’air. Il y en a six fois plus dans la saison chaude qu’au moment où il gèle. Aussi les pluies d’été, quoique moins fréquentes, sont bien plus abondantes que celles d’hiver, et les pluies tropicales sont de même très supérieures aux nôtres pour l’épaisseur de la couche d’eau qu’elles versent sur la terre.

Le refroidissement de l’air étant la cause que tout le monde assigne à la pluie, il reste à savoir comment se produit dans la nature ce refroidissement, généralement très subit. Là est le secret de la formation de la pluie.

De tous les moyens d’échauffer ou de refroidir l’air, il n’en est pas de plus efficace et de plus prompt que de le comprimer ou de le dilater. Ainsi l’air enfermé dans un étui de cuivre ou de verre et rapidement comprimé par une baguette garnie d’un tampon s’échauffe au point d’enflammer l’amadou. Si après avoir resserré de l’air dans un vase de cristal on lui ménage une sortie par une petite ouverture, cet air reprend son volume en sortant, il s’étend en tous sens, se dilate et devient très froid; il dépose de l’humidité et même de la glace sur les corps où il souffle. L’air qui s’échappe des lèvres quand on siffle donne, après avoir été comprimé dans la poitrine, une impression de fraîcheur bien connue, ce que ne fait point l’air qu’on exhale avec la bouche ouverte. On peut voir la fable de La Fontaine sur ceux qui soufflent le chaud et le froid. Au physique, tout le monde en est là.