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Les pluies désastreuses qui ont ravagé la France par les inondations qui en ont été la suite dans ces derniers mois, et qui, chose singulière, ne se sont fait sentir que dans la France moyenne, dans les bassins de la Loire et du Rhône, entre les bassins non compromis de la Seine et de la Gironde, ont excité, par la grandeur du fléau, un étonnement général, une véritable consternation. Chacun a demandé quelle était la cause de ces désastres, et s’il était possible de les prévoir, de les prévenir, ou enfin de les réparer. Tous ceux que l’on présume s’occuper de la physique du globe ont été accablés de questions relatives à cet état météorologique si exceptionnel, et la réponse prudente : « Je ne sais pas ! « était loin d’être accueillie favorablement, elle provoquait infailliblement cette réflexion peu obligeante : « Mais à quoi donc sert la science? »

Avant de répondre, il faut savoir. Pour savoir, il faut observer et recueillir des instructions venues de diverses parties du globe. Il faut enfin connaître quel a été l’état météorologique du globe dans les années antérieures. On voit que dans une pareille situation de la science, l’ignorance et le doute sont bien pardonnables, ou plutôt qu’ils sont impérieusement commandés, sous peine de tomber dans les inconvéniens qui attendent ceux qui se croient obligés de tout savoir et d’avoir réponse à toutes les questions. En essayant aujourd’hui d’expliquer les inondations de la France centrale par la théorie de la pluie que j’ai donnée en 1848, je ne me flatte pas d’entraîner une conviction unanime. Je désire seulement qu’on pèse attentivement les faits que j’ai groupés et les analogies nombreuses d’où j’ai déduit mes conclusions.

Les lecteurs de la Revue connaissent déjà la cause à laquelle il faut rapporter principalement la précipitation de l’eau qui est contenue dans l’air et qui forme la pluie. J’en ai parlé dans plusieurs circonstances, et notamment dans une étude sur l’arrosement du globe terrestre[1]. Je me borne ici à rappeler les notions fondamentales de la théorie de la pluie.

L’air même, quand il est pur, transparent et bleu, est un vaste réservoir d’eau en vapeur mêlée à l’air sec et constituant avec lui ce qu’on appelle l’atmosphère. C’est cette vaste mer aérienne sans rivages et sans limites qui entoure la terre de toutes parts, et dont la profondeur peut être estimée à 60 kilomètres. L’homme, les animaux et les plantes vivent au fond de cet océan de fluide respirable, qui est environ huit cent fois moins compacte que l’eau, mais qui cependant, mobilisé par des vents impétueux, peut remplacer le poids qui lui manque par la grande vitesse qu’il acquiert et produire des effets tout aussi terribles que l’eau, ainsi qu’on l’observe dans les ouragans des Antilles et des contrées in 1er tropicales, qui rasent tout à la surface du sol qu’ils balaient.

La présence de l’eau dans, l’atmosphère est indispensable pour rendre l’air

  1. Voyez la Revue du 1er octobre 1854.