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recommanderaient bien mieux à la confiance publique et le trésor et les fonctions dont ils étaient revêtus, et que si le trésor public doit envier un privilège, c’est celui d’être mieux que personne et plus constamment exact envers ses créanciers.

Sous l’ancien régime, où la dilapidation était générale et effrénée, et où la dépense n’avait aucune garantie, les contrôleurs-généraux avaient dû s’attribuer une sorte de pouvoir discrétionnaire sur toutes les transactions financières de l’état. De là le nom même qu’ils portaient. Mais sous le régime qui datait de 1789, le légitime emploi des deniers publics avait retrouvé, dans la publicité des comptes et dans le vote annuel des recettes et des dépenses, des garanties auxquelles M. Mollien allait ajouter beaucoup, si ce n’était déjà fait, par l’adoption d’une comptabilité nouvelle, par la création de la cour des comptes. M. Mollien pensait donc que désormais le trésor n’avait plus de contrôle à exercer sur une dépense, du moment qu’elle était autorisée par la loi, conséquemment prévue par le ministre du trésor pour le paiement, et ordonnancée par le ministre compétent qui garantissait ainsi, sous sa responsabilité, qu’elle avait été régulièrement faite et que les conditions du marché avaient été remplies ; qu’il n’appartenait pas au ministre du trésor d’intervenir après coup, sous prétexte de contrôler l’emploi des deniers publics, dans les traités faits par un autre ministre, pour en altérer les conditions et notamment pour changer à son gré le montant et l’époque des paiemens promis ; que si le ministre du trésor devait être admis à prendre une part à la discussion des marchés, ce ne pourrait être qu’avant la conclusion, et afin que son adhésion expresse en rendît les conditions meilleures pour l’état en les rendant plus sûres pour les contractans, mais qu’une fois les marchés non-seulement conclus, mais exécutés, il n’avait plus qu’à consulter la loi de finances et à voir quel était le montant des fonds dont chaque ministre pouvait disposer par des ordonnances motivées sur les besoins de chacune des branches de son administration, et que dans ces limites le paiement ne devait éprouver ni refus ni retard.

C’est en effet d’après ces principes que furent invariablement réglés les rapports de la trésorerie avec les différens ministères. Les fonds dont les ministres pouvaient disposer chaque mois étaient déterminés par un décret spécial dans la seconde quinzaine du mois précédent. Le trésor public vérifiait si les ordonnances délivrées par les ministres pour chaque partie de leur service n’excédaient pas les crédits ouverts au chapitre correspondant de leur budget, et si elles s’appliquaient bien aux dépenses prévues et constatées par les pièces produites. Pourvu que ces conditions, faciles à vérifier, fussent remplies, les ordonnances, dans les cinq jours de leur arrivée,