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ÉTUDES
SUR
L’INDE ANCIENNE ET MODERNE

II.
LES ROIS MAUDITS.


I.

L’allégorie joue un rôle très important dans les récits de l’antiquité indienne. Elle est le voile transparent, et toujours orné d’ingénieuses broderies, sous lequel le brahmanisme a présenté à la postérité ses enseignemens et même sa doctrine. Il s’en est servi avec une habileté merveilleuse pour donner à des fictions intéressées la valeur de vérités historiques. Recueillies par la tradition et mises en ordre par des compilateurs qui savaient les embellir encore, toutes ces légendes primitives, toutes ces fables, racontées avec grâce et très sérieuses quant au fond, sont venues se réunir dans les pourânas. Pareilles aux nuages du soir que l’on voit envelopper la cime des montagnes, elles flottent dans l’air, mais sans cesser pour cela de s’appuyer sur une base solide. Cette base, c’est la pensée philosophique, partout présente dans les créations de la poésie indienne. Ainsi l’une des idées fondamentales de la philosophie pratique des Hindous, c’est que la pensée l’emporte sur l’action ; la méditation s’élève beaucoup au-dessus de l’accomplissement des œuvres, et la possession de soi-même met au front du sage une auréole divine devant laquelle pâlit le bandeau royal. Celui qui médite sur la Divinité soutire en quelque sorte les rayons de la puissance