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pitalistes de Paris, auxquels il fallait faire offrir les valeurs du trésor par des intermédiaires, et qui pour la plupart étaient ombrageux et trouvaient dans le passé de l’administration française, royale ou républicaine, de bonnes raisons pour leur défiance, si bien qu’au premier événement leur concours pouvait s’évanouir. « Le trésor de l’armée, disait M. Mollien, pouvait parfaitement être employé à procurer au trésor son indépendance, et après avoir mis le sol de la France à l’abri de toute atteinte, l’armée pourrait être aussi la libératrice du trésor. Il suffisait que la caisse du domaine extraordinaire prêtât à intérêt au trésor une somme convenable. Les intérêts, fidèlement servis, seraient la propriété de l’armée, et l’empereur les distribuerait conformément aux hautes inspirations de sa munificence. »

L’empereur se rendit aux instances de M. Mollien. Il ordonna que la caisse de l’extraordinaire prêtât au trésor 84 millions[1] ; mais, dans sa sollicitude pour les droits de l’armée, il voulut qu’en retour le trésor donnât des engagemens à terme, portant intérêt. L’intérêt fut fixé à 4 pour 100, taux auquel venaient d’être réduits les cautionnemens[2]. L’emprunt consenti par l’empereur au nom de ses soldats embrassa une somme que j’ai déjà mentionnée. En 1806 et 1807, pendant la guerre, la dépense de la solde excédant d’environ 27 millions les prévisions du budget, la caisse de l’extraordinaire en avait fait l’avance ; il fut convenu qu’on ne la lui restituerait pas en capital, mais qu’on lui en servirait le revenu.

Ces dispositions arrêtées, il était possible d’obtenir un résultat fort désirable, à savoir que les obligations des receveurs-généraux et les valeurs analogues de l’état cessassent de paraître sur la place. Depuis que le portefeuille du trésor était entre les mains de M. Mollien, la mise en circulation de ces titres avait été bien restreinte ; mais on n’était jamais certain de ne pas être forcé, le lendemain, de les répandre en grande quantité. Avec la somme considérable que M. Mollien venait de faire sortir de la caisse de l’extraordinaire, et les ressources supplémentaires que fournissaient les receveurs-généraux, il suffisait désormais de trouver sur la place de Paris une quarantaine de millions, pour n’avoir plus à courir après des escompteurs qui prissent au rabais les valeurs du trésor. Ce complément d’environ 40 millions devait être obtenu en partie par le moyen de quelques institutions publiques qui avaient des fonds, et dont on centralisa les ressources au trésor. La principale était le Mont-de-Piété de Paris. Le reste s’obtiendrait, et au-delà, M. Mollien avait lieu d’en être certain, par le concours empressé des capitalistes

  1. Le décret ne fut signé que le 6 mars 1808.
  2. Loi du 15 septembre 1807, article 21.