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mée était encore sur la rive droite du Rhin, mais les corps n’étaient pas au complet ; le matériel avait besoin d’être rétabli ou du moins réparé. Il fallut, en moins d’un mois, pourvoir à toutes les dépenses que demandaient l’artillerie, la cavalerie, les équipages militaires, l’armement et l’habillement des recrues, le transport en poste de la garde, qui formait à elle seule un corps d’armée. Dans l’état où le trésor avait été mis par M. Mollien, ces frais imprévus ne le chargeaient pas outre mesure. Napoléon, au surplus, limita beaucoup les préparatifs. Il ne méconnaissait pas la vaillance, la discipline, la tactique des troupes prussiennes, ni le mérite de l’école du grand Frédéric ; mais les soldats prussiens avaient perdu l’habitude de la guerre, les siens au contraire étaient les plus aguerris du monde et les plus habitués à vaincre. Il n’avait donc pas de doutes sur le succès. Malgré l’extrême prudence qu’il observait à la guerre, il crut donc devoir se borner à ce qu’il fallait pour une grande bataille contre les Prussiens seuls ; les Russes, qui étaient entrés dans la coalition, et qui y avaient attiré la Prusse, étaient trop loin pour qu’on les rencontrât encore. Il avait craint la formation d’une coalition plus générale à laquelle l’Autriche aurait pris part, et c’était le secret de l’inquiétude qu’il avait ressentie à la première nouvelle des élans guerriers du cabinet de Berlin. Rassuré à demi de ce côté par les protestations qu’il reçut de Vienne, il compta sur la rapidité de ses coups pour en avoir fini avec la Prusse avant que le conseil aulique, dont la lenteur lui était connue, n’eût pu faire arriver en ligne les troupes autrichiennes, et pour mieux donner à réfléchir à l’Autriche, il lui plaça sur les flancs, dans l’Italie septentrionale, une nombreuse armée commandée par un chef redoutable, l’intrépide Masséna. Dans le reste de la péninsule italique, il venait de se mettre à l’abri d’une surprise : outré des perfidies de la cour de Naples pendant la campagne d’Austerlitz, il s’était emparé de ses états continentaux, et y avait établi un de ses frères.

Dans la dernière semaine de son séjour à Paris, indépendamment des conseils qui se renouvelaient chaque jour et des ordres généraux qui s’expédiaient à chacun des ministres, il travailla fréquemment avec M. Mollien, et lui écrivit dix lettres particulières. Il régla minutieusement le mouvement des fonds et les opérations financières, non-seulement pour la campagne qu’il allait faire en Prusse, mais pour tous les services extérieurs de l’empire. Naples, Saint-Domingue, l’Italie, furent de sa part l’objet de plusieurs dispositions de finances. Ce fut le 25 septembre qu’il se mit en route.

Les campagnes de 1806 et 1807 mirent une fois de plus en évidence une qualité qui distinguait Napoléon et qui n’appartient qu’aux grandes intelligences unies à de grands caractères. Les grands hommes, car c’est eux qui ont le privilège de cette réunion de fa-