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sait depuis longtemps que toute chenille provient de deux papillons préexistans ; nous avons dit comment les travaux récens démontraient l’origine des cercaires, des cysticerques, etc. Nous savons aujourd’hui que tous ces individus neutres, se reproduisant sans sexes, et dont la multiplication fut si longtemps un mystère, sont les équivalens de simples bourgeons ; nous avons montré que le bourgeon ne peut enfanter que des individus, qu’à l’œuf seul est réservé le pouvoir d’engendrer des générations et d’assurer la perpétuité de l’espèce. Or tout œuf suppose une mère pour le sécréter, un père pour le féconder. Médiatement ou immédiatement, tout animal remonte donc à un père et à une mère[1]. Et ce que nous disons en ce moment des animaux s’applique, nous l’avons vu, également aux végétaux. Par conséquent les découvertes relatives à la généagénèse sapent jusque dans ses derniers fondemens la doctrine des générations spontanées.

Un père et une mère, c’est-à-dire un mâle et une femelle, telle est l’origine de tout être vivant. L’existence des sexes, dont la nature inorganique ne présente pas même la trace, se montre donc comme un caractère distinctif de la nature organisée, comme une de ces lois primordiales imposées dès l’origine des choses, et dont nous devons renoncer à trouver la raison. À quelques exceptions près, plus apparentes sans doute que réelles, et dont le nombre diminue d’ailleurs chaque jour, on peut dire que le monde organique a été créé double, qu’il existe un monde mâle et un monde femelle. Des rapports plus ou moins étroits de coexistence peuvent régner entre eux, mais toujours on les distingue, et il est vraiment remarquable que leur séparation, de plus en plus tranchée, soit un signe de perfectionnement. Ces deux mondes ne paraissent confondus que dans les plus infimes représentans des deux règnes. On ne rencontre d’hermaphrodites que dans les groupes inférieurs des trois derniers embranchemens du règne animal ; pas une des espèces placées en tête de ces grandes divisions, pas un vertébré, si ce n’est quelques poissons, ne présentent ce caractère[2]. Ainsi la réunion des sexes chez le même individu, bien loin d’être un signe de supériorité, accuse une dégradation véritable, elle est une monstruosité.

La métamorphose atteint son maximum de manifestation dans la généagénèse. Celle-ci, simple fait d’accroissement à l’origine, débute

  1. Nous avons dit plus haut que ces expressions de père et de mère s’appliquent à de simples appareils quand ces appareils sont portés par le même individu.
  2. M. Dufossé, médecin à Marseille, vient de rappeler l’attention sur des faits presque oubliés et de démontrer que, dans les diverses espèces du genre serran [serranus), on trouve un hermaphrodisme bien caractérisé. Cette exception est jusqu’à ce jour unique daos l’embranchement des vertébrés.