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nir. À l’époque du camp de Boulogne, on lui offrit la fourniture générale de la marine ; il L’accepta, de concert avec Vanlerberghe, homme fort entendu aussi dans les affaires et plus modéré dans ses entreprises, qui avait une grande expérience dans l’art d’organiser les approvisionnemens.

L’association à laquelle, dans son angoisse, s’adressa Barbé-Marbois pour sortir de peine était composée d’Ouvrard, de Vanlerberghe et de Desprez, ancien garçon de caisse devenu banquier, qui était fort habile à négocier les effets du gouvernement. Le premier traité des négocians réunis avec le ministre du trésor est du 4 avril 1804. Il fut suivi d’un autre du 8 juin de la même année. Ils se chargeaient de placer les obligations des receveurs-généraux ; ils devaient en outre avancer le montant des traites fournies par le gouvernement espagnol, qui ne les soldait pas. L’avantage des négocians réunis dans ces transactions consistait en ce que le trésor acceptait pour argent comptant une certaine partie des créances qui avaient pour origine leurs vastes fournitures. Ainsi, sur les 50 millions du traité du 4 avril, Ouvrard remettait au trésor 20 millions d’ordonnances à son profit des ministres de la guerre et de la marine ; sur les 150 millions du marché du 8 juin, il y avait de même 48 millions en ordonnances semblables. Un troisième traité du 27 germinal an xiii (17 avril 1805) portait sur une somme de 400 millions ; il y était dit que le trésor recevrait comme de l’argent les ordonnances de la guerre et de la marine qui restaient entre les mains des négocians réunis.

Au point de vue de l’honneur et de l’équité, ces différens traités n’avaient rien que de convenable ; l’honneur et l’équité, en effet, n’avaient rien à redire à ce que des entrepreneurs de services reçussent le solde de leurs fournitures, ainsi qu’ils avaient dû y compter. En cela, M. de Barbé-Marbois ne faisait rien que remplir les engagemens de l’état. Il tombe néanmoins sous le sens que cette combinaison ne diminuait pas les embarras du trésor, car en faisant servir les obligations de l’exercice et les valeurs semblables du trésor à payer l’arriéré de la guerre et de la marine, on se plaçait dans l’impossibilité de subvenir au service courant. M. de Barbé-Marbois alla même en 1805 jusqu’à laisser M. Desprez disposer d’une partie des obligations de l’exercice 1806. C’était retomber dans le système des anticipations, qui avait eu de si funestes conséquences sous l’ancien régime.

Le portefeuille des négocians réunis était gorgé de traites souscrites par le trésor espagnol, dont l’échéance était passée ; il y en avait pour 32 millions. Ouvrard se rendit à Madrid non-seulement pour en hâter le recouvrement, mais aussi avec une mission spéciale