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tous les deux. Vous viendrez, chacun des trois jours, me rendre compte de vos opérations et de leur effet. » La caisse d’amortissement n’avait guère que 3 millions et demi de disponibles ; le ministre du trésor n’avait absolument rien ; le ministre des finances trouva quelques fonds de caisse qu’il livra. La caisse des invalides de la marine avait des économies qu’elle grossissait par le moyen de la retenue qui lui était assignée non-seulement sur les traitemens, mais aussi sur toutes les dépenses de ce ministère. Le ministre de la marine s’en dessaisit. Le premier consul fit remettre sur sa cassette particulière 1 million ; quelques sommes furent offertes par des particuliers à titre de prêt. En quelques heures, les 12 millions furent réunis ; mais après les trois jours ils étaient épuisés, et la baisse n’était pas de moins de 10 pour 100. Le premier consul se consola facilement de son insuccès. « Eh bien, dit-il à M. Mollien, vous avez été battu (il aurait été plus exact de dire que c’était lui). C’est un faible mécompte ; j’ai prouvé à l’Angleterre que nous pouvions encore pourvoir à d’autres besoins que ceux de la guerre. » Il prit ses mesures pour régulariser les versemens faits par le ministre des finances et par la caisse des invalides de la marine ; celle-ci fut indemnisée en rentes. Quant à ce qu’il avait avancé lui-même, il dit noblement à M. Mollien : « Vous rembourserez plus tard, et quand vous le pourrez, ce que vous a fourni ma caisse personnelle. »

La guerre et les préparatifs immenses d’une descente en Angleterre semblèrent redoubler, à l’égard des affaires intérieures, l’activité du premier consul, au lieu de l’amoindrir. Le code civil s’achevait ; les autres codes se préparaient. La Légion d’honneur avait été créée. Les travaux publics recevaient une impulsion nouvelle. Son œil scrutateur était partout ; son initiative ne reculait devant aucune des difficultés qui se présentaient à lui, et telle était sa puissance d’assimilation, qu’il semblait qu’aucun sujet ne lui fût étranger, et qu’en toute chose il n’eût pas moins à enseigner aux vétérans des affaires publiques qu’à apprendre d’eux. Il se multipliait au conseil d’état, et plus encore dans ses conférences avec les ministres, qu’il reprenait l’un après l’autre de manière à les fatiguer tous. Il donnait de fréquentes audiences aux ambassadeurs étrangers. La tâche de réorganiser l’administration, l’état, la société, semblait si bien être son lot naturel, qu’on eût dit que pour la bien remplir il n’avait pas besoin de s’efforcer.

II. — l’empire. — la campagne d’Austerlitz. — grands embarras du trésor, opérations et projets de m. Ouvrard.


Dans son admiration reconnaissante, la France prodiguait à Napoléon les témoignages de sa confiance. À la paix, elle avait changé en