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avantages dont elle est investie, qu’elle observe certaines règles indiquées par l’intérêt public.

Continuellement préoccupé des besoins financiers de l’état, le premier consul se remettait souvent à discuter avec le directeur général de l’amortissement, de même qu’avec quelques autres hauts fonctionnaires, des moyens qu’il devait y avoir de négocier autrement qu’avec une perte énorme les obligations et les bons à vue[1] des receveurs-généraux, titres qui formaient l’actif du trésor. Il lui semblait qu’il serait mieux d’en confier le soin aux receveurs-généraux eux-mêmes réunis en syndicat que de s’en remettre à des banquiers irresponsables de fait, quoiqu’ils répondissent nominalement. Le ministre du trésor, M. de Barbé-Marbois, qui avait aperçu des irrégularités dans les actes de quelques-uns des receveurs-généraux, était opposé à l’intervention de ces fonctionnaires. M. Mollien au contraire, quand le premier consul lui demanda son opinion, n’hésita pas à s’y montrer favorable ; mais au lieu de desservir le ministre, à qui Napoléon imputait les conditions onéreuses qu’on subissait dans le placement des obligations, il eut le bon goût et le courage de le défendre : il exposa au premier consul que, si les titres dont disposait le trésor se négociaient difficilement et avec un sacrifice considérable, il fallait en chercher l’explication dans la défiance que le trésor public inspirait aux capitalistes, défiance qui s’était atténuée depuis le 18 brumaire, mais qui subsistait encore, et conservait sa raison d’être. « Le trésor, disait-il, n’a pas cessé d’avoir des arriérés à solder. Les crédits ouverts excèdent les recouvremens, par conséquent les personnes qui ont traité avec l’état pour les différens services publics ne sont pas assurées d’être payées intégralement aux époques fixées, et il y en a nécessairement un certain nombre qui ne le sont pas. Ces retards, ces sortes de suspensions de paiemens se présentent sur une moindre échelle qu’avant la révolution ; mais il faudrait, pour le bon ordre, qu’on ne vît plus rien de semblable. Jusque-là, les valeurs du genre des obligations éprouveront plus ou moins de discrédit, quoique toutes les obligations proprement dites soient payées exactement par les receveurs-généraux, ou à leur défaut par la caisse d’amortissement. » M. Mollien concluait de là qu’il y avait une amélioration importante à introduire dans les relations de l’état avec ses créanciers, qu’il fallait donner aux porteurs d’ordonnances toute sécurité sur le mode et l’époque du paiement. Il faisait remarquer au premier consul que

  1. Les bons à vue étaient des titres analogues aux obligations. C’étaient des mandats acceptés par les receveurs-généraux, et à valoir sur les rentrées qu’ils espéraient du chef des contributions indirectes, telles que les douanes, l’enregistrement, l’impôt sur le tabac.