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car l’Allemagne devait être en Europe le trait d’union entre l’occident et les régions de l’est et du nord. L’Allemagne, dès l’origine, marcha vite dans la carrière. A dire vrai cependant, le développement des voies ferrées au-delà du Rhin n’avait commencé à se manifester que deux ou trois ans plus tôt qu’en France. Le premier essor des entreprises, qui date chez nous de 1842, doit être reporté pour l’Allemagne à l’année 1840, ou tout au plus à l’année 1839. Sans doute, durant les années antérieures, en remontant jusqu’à 1834, quelques faits se produisent soit dans les pays allemands, soit en Autriche; mais les constructions n’acquièrent une valeur bien sensible qu’à partir de 1839. Alors s’ouvrent successivement les chemins de Cologne à Aix-la-Chapelle, de Vienne à Raab, et diverses sections de la ligne dirigée de Vienne vers la Pologne, qu’on appelle aujourd’hui la ligne du nord de l’empereur Ferdinand, et qui desservait déjà les villes de Brünn et d’Olmütz.

On n’est que juste envers la France quand on fait remarquer qu’elle avait eu de fort bonne heure l’idée du rapprochement que les chemins de fer devaient opérer entre les nations. Elle en donnait la preuve alors qu’elle traçait l’esquisse des lignes dirigées de tous côtés vers ses frontières, vers la Belgique, vers le Rhin, vers les Alpes, vers les Pyrénées; mais après avoir semblé prendre un parti, elle s’était vue arrêtée dans l’exécution de ces travaux, tantôt par le débordement de la spéculation, tantôt par de faux calculs imputables à l’état ou aux compagnies, et dont l’opinion publique était elle-même complice. Aussi voyez ce qui arriva : tandis qu’en 1842 la longueur des chemins exploités en Allemagne n’était pas tout à fait double de la longueur des nôtres, elle était triple à la fin de 1847. A ce moment-là, il est vrai, on pouvait croire que les entraves mises à notre élan allaient enfin disparaître, on pouvait croire que les affaires, paralysées par une longue crise financière, allaient reprendre un cours régulier; mais alors survint la révolution de 1848, qui multiplia les difficultés. Au lendemain de cette rude secousse, il ne s’agissait plus de régulariser une situation troublée par l’agiotage; il y avait de nouveaux obstacles à vaincre avant de pouvoir reprendre l’œuvre soudainement interrompue. Comment aurions-nous pu étendre notre réseau pour le rattacher à celui des autres peuples, alors que la crise industrielle entraînait d’aussi graves complications, menaçait même l’existence de certaines entreprises? Les années 1848, 1849 et 1850 furent des années de liquidation, remplies par des mesures qu’on pourrait appeler des mesures de sauvetage. On a recours à des expédiens plus ou moins heureux, mais on ne concède aucun chemin nouveau.

Si nous examinons cependant la carte des chemins de fer sur le continent européen en 1851, nous y voyons que des élémens