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ont tous également raison. Si l’on tient en effet que l’épiscopat est la marque de la véritable église, il faut admettre que l’église de Rome est une église véritable au même titre que l’église anglicane. Si l’on tient que le protestantisme est la base de l’église anglicane, il faut reconnaître qu’en effet le monde, à l’exception des vaudois, a été sans religion jusqu’au XVIe siècle. Le mot de mistress Bubble résume parfaitement la conversation et exprime bien la situation singulière du compromis anglican : « Un peu de ceci et un peu de cela. »

Si de pareilles querelles religieuses et de telles complications puériles ne peuvent entamer la foi de ceux qui croient dans le Christ, comme dit M. Conybeare, elles sont incapables aussi de donner cette foi à ceux qui ne l’ont pas. Si l’Angleterre s’enfonce dans l’incrédulité, ce ne sont pas ces bizarreries théologiques qui la feront sortir de cette ornière. Où y a-t-il en tout cela un principe de vie religieuse pour ceux qui n’en possèdent aucune ? M. Conybeare avoue du reste indirectement, et sans le vouloir, que le clergé n’est d’aucun secours aux fidèles, et que celui qui veut croire doit s’adresser à lui-même plutôt qu’aux prêtres. Le prêtre ne sait plus quoi répondre à celui qui lui avoue qu’il ne peut croire. Au jeune homme qui vient confesser ses anxiétés, et qui ouvre son cœur pour recevoir la parole qui doit le guérir, le prêtre répond, comme un professeur d’Oxford à un des personnages du roman : « Vous ne croyez pas ? Je ne puis que vous recommander de croire. Tâchez d’être obéissant à l’église, observez ses jeûnes, allez à ses offices, tournez-vous vers l’orient à la récitation du Credo, inclinez-vous dévotement devant l’autel, lorsque vous entrez ou que vous sortez de la chapelle. Accomplissez toutes ces pratiques comme si vous croyiez, et peut-être à la fin arriverez-vous à croire ? » Mais si les doutes résistent à ces pratiques inoffensives, que faire ? Ce que font les jeunes étudians d’Oxford dont M. Conybeare anathématise les tendances, rentrer chez soi, ouvrir son Spinoza, discuter les doctrines allemandes, lire les dernières publications de l’infidèle Newman ou de l’infidèle miss Martineau. Ces livres contiennent au moins une doctrine, un système ; ils éteignent les doutes par l’incrédulité ; ils ont la puissance que n’ont pas, paraît-il, l’orthodoxie et le clergé anglican : ils apaisent l’intelligence. Ces livres, tout muets qu’ils sont, répondent à celui qui les interroge, et leur réponse est claire, catégorique, impérative. Vous demandez : « Comment dois-je croire ? » ils répondent : « Ne croyez pas. » Vous demandez :« Où sont les preuves extérieures de la révélation ? » ils disent : « Il n’y en a aucune ; la révélation est tout intérieure. — Comment Dieu peut-il être infini et personnel ? Il est infini, parce qu’il n’est pas personnel. — Quel est le principe de la morale ? La conscience humaine. — Qu’est-ce que le Christ ? Une incarnation de l’idéal humain. Si le clergé n’a