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Oui, mais qui se chargera de ranimer la foi ? Ce ne sera point sans doute cette église anglicane dont M. Conybeare nous présente le tableau, tout occupée à des querelles et à des questions qui peuvent intéresser les oisifs et les controversistes de profession, mais qui ne transformeront jamais un incrédule ou un égoïste. Monseigneur Philpotts pourrait demander longtemps encore la séparation de l’église et de l’état, et le docteur Cumming prophétiser le rétablissement des Juifs, sans que ces querelles eussent la moindre influence sur les relations humaines et le bon ordre de la société. Ces questions de détails théologiques, de constitution ecclésiastique, de liturgie, ne sont point une source d’inspirations religieuses, et n’ont aucune importance populaire. Les hommes qui renouvellent les sources de la vie religieuse s’y prennent plus simplement que cela, ils agissent comme Luther ou même comme le pieux Wesley, ils en appellent directement au cœur des multitudes, et débarrassent le principe d’où tout émane des détritus qui cachent et salissent les fraîches eaux de la religion. Il y a aujourd’hui dans l’église anglicane des ultra-protestans et des quasi-catholiques ; mais où est le Luther ? où est le Wesley ?

Le fait est que la source d’inspiration religieuse semble tarie dans l’église anglicane. Elle-même sent qu’elle ne peut se régénérer sans se suicider, et qu’elle ne peut retrouver d’empire sur les âmes qu’en échappant, pour ainsi dire, à ses doctrines. L’église anglicane, institution nationale par excellence et souvenir vivant d’indépendance patriotique, a eu une grande puissance religieuse et une grande puissance populaire tant que, par l’effet des circonstances, l’idée de nationalité a été unie à l’idée de religion. Tant que l’Angleterre a été entourée d’églises ennemies, représentant des populations ennemies : de l’église catholique, représentant l’influence étrangère du continent et la race abhorrée des Celtes d’Irlande ; de l’église presbytérienne, représentant une Écosse factieuse, hostile et toujours rebelle ; des sectes dissidentes, toujours disposées à faire bon marché des institutions et des garanties nationales, et à employer les armes du nivellement pour transformer le sol anglais en terre de Chanaan, — le peuple anglais n’a point songé à examiner le fondement de son église, dans laquelle il trouvait le rempart de son indépendance en même temps que le temple de sa foi. Si elle était strictement protestante ou non, le peuple ne s’en inquiétait pas ; elle représentait le protestantisme contre Rome, et c’était assez. Si elle abritait des tendances papistes cachées et avait conservé encore trop de marques de la vieille église abhorrée, le peuple ne s’en inquiétait pas davantage, elle représentait la nation contre les églises ennemies du roi et de la constitution. Mais lorsque, par le fait des progrès