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ques modifications devront être introduites dans la constitution votée il y a quelques mois, si même on ne revient plus simplement à l’une des constitutions qui ont régi antérieurement la Péninsule. Il n’est point douteux que la question de l’existence ou de la réorganisation des milices nationales sera également abordée. Peut-être enfin suffira-t-il de la présence au pouvoir d’un cabinet animé d’intentions droites et modérées pour mettre un terme aux différends religieux suscités par la loi de désamortissement. La solution de toutes ces questions, qu’on le remarque bien, n’entraîne nullement une atteinte au régime constitutionnel, une réaction sans limites. Le cabinet de Madrid est placé aujourd’hui dans de telles conditions, qu’il a nécessairement à choisir son chemin entre une politique qui ne serait encore qu’un système de complaisances à l’égard des partis révolutionnaires et une réaction qui ne ferait que créer un autre genre de dangers. À ne considérer que les choses en elles-mêmes, peut-être cette œuvre, sans être facile, n’est-elle point impossible à accomplir. En réalité, entre les hommes sensés et modérés des divers partis, il y a moins de différences d’opinion qu’on ne croit : de simples nuances les séparent souvent ; mais le grand, le terrible obstacle, c’est le travail des passions, des ambitions, des rivalités personnelles. C’est là ce qui divise les hommes, ce qui les met en lutte, et ce qui finit souvent par des révolutions dans un sens ou dans l’autre. Souvent aussi les conseils irresponsables interposent leur autorité clandestine. La question est de savoir si le général O’Donnell triomphera des difficultés de toute nature qui l’entourent aujourd’hui ; même après l’épreuve des séditions matérielles, c’est encore un moment grave pour l’Espagne.

Quant à la France, son intérêt, sa politique, c’est de favoriser tout ce qui peut tendre à l’établissement d’un régime régulier et durable au-delà des Pyrénées. Si le gouvernement français, en présence des derniers événemens, a jugé utile de réunir des troupes à la frontière du midi, ce n’était nullement sans doute dans la pensée d’une intervention active dans les affaires de l’Espagne. Au point de vue de toutes les idées conservatrices ou libérales, la vraie, la seule question sur laquelle la France puisse avoir une opinion arrêtée, c’est le maintien de la dynastie, à laquelle se lie l’existence de la monarchie constitutionnelle. Tout le reste est livré au jeu naturel des institutions, et quelquefois au caprice des hommes.

Notre temps, par lui-même si rapide et si fugitif quand on l’observe dans ce qu’il a de plus actuel, est le fils du temps passé. Il se rattache aux époques antérieures par des liens souvent intimes et invisibles, que l’histoire recherche et met à nu, en montrant comment la civilisation se développe, comment les choses s’enchaînent. C’est en quelque sorte un travail d’hérédité permanente qui est partout. La trace des législations anciennes est marquée dans les législations nouvelles ; dans les mœurs même altérées d’une époque, il y a toujours quelque reste des mœurs et des usages d’autrefois ; le caractère primitif et originel des races persiste à travers les plus grands changemens ; les Gaulois de César n’ont pas disparu complètement. Parfois aussi il est de grands faits contemporains dont on retrouve l’ébauche, l’image ou le principe dans les événemens les plus lointains. De là cet intérêt grave et attachant à la fois des œuvres historiques qui vont ressaisir au fond des