Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/678

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais il tombe sous le sens qu’il s’agit ici simplement de résolutions de peu d’importance, n’ayant pas même un caractère de loi, comme le dit le texte. Une minorité du congrès, qui n’aurait pu voter la plus pet te loi d’intérêt local, avait-elle le droit d’adopter une motion qui suspendait les prérogatives constitutionnelles de la reine, et imposait une politique tout entière ? Le général O’Donnell était donc fondé à répondre au président des certes, au général Infante, qu’il considérait la délibération de la minorité du congrès comme absolument illégale. Pendant ce temps du reste, les événemens avaient marché. La milice nationale avait ouvert le feu contre les troupes, et dès lors tout était remis au sort des armes.

Au fond, on ne pouvait mieux servir les intérêts du général O’Donnell que ne le faisaient en ce moment la milice nationale et les progressistes de Madrid. On aurait pu évidemment créer une situation très difficile au nouveau ministère par une attitude hostile, mais en même temps modérée et légale, en attendant la réunion des certes, et en s’emparant du nom d’Espartero comme d’un drapeau parlementaire. Offrir le combat au général O’Donnell sur le terrain où il était, défendant les prérogatives de la royauté, secondé par les généraux les plus habiles et les plus marquans de l’Espagne, disposant d’une armée qu’il avait su depuis deux ans ramener à la discipline et au devoir, — agir ainsi, c’était préparer un succès au nouveau président du conseil, et celui-ci n’était point homme à se laisser intimider par les miliciens. Après avoir divisé son armée en deux corps, commandés par les généraux Manuel de la Concha et Serrano, O’Donnell serrait l’insurrection de toutes parts, et la rejetait dans les quartiers populaires de Madrid, dans la rue de Tolède, où elle allait s’éteindre. Là trouvait la mort un personnage qui avait déjà figuré dans la révolution de 1854, et qui a reparu dans les derniers événemens : c’est le torero Pucheta. Commencée le 14 juillet, le jour même de la formation du ministère, l’insurrection se terminait le 16, par la victoire complète du gouvernement.

Ce n’était pas tout de vaincre à Madrid. L’état des provinces, de l’Aragon, de la Catalogne surtout, devait inquiéter le nouveau cabinet, d’autant plus que M. Escosura, avant de quitter le ministère, avait, dit-on, annoncé la crise à Saragosse par la voie télégraphique, afin de provoquer un mouvement en faveur du duc de la Victoire. Aux premières nouvelles venues de Madrid, en effet, Saragosse se prononçait, et le capitaine-général de l’Aragon, le général Falcon, se mettait à la tête d’une junte révolutionnaire. A Barcelone, l’insurrection est venue se briser devant l’énergie du chef militaire, le général Zapatero, qui avait sous ses ordres dix ou douze mille hommes, et sur qui le gouvernement pouvait compter. La lutte cependant a été terrible, plus sanglante que celle de Madrid : elle a duré quatre jours, au bout desquels les insurgés ont été complètement mis en déroute et dispersés de tous côtés. Aujourd’hui la Catalogne tout entière paraît soumise. Saragosse reste le dernier foyer de la résistance. Seulement la pacification de la Catalogne, la défaite de l’insurrection à Madrid, le calme qui n’a cessé de régner dans les provinces basques, permettent désormais au gouvernement de concentrer des forces suffisantes autour de Saragosse, dont la reddition s’opérera peut-être sans effusion de sang. C’est du moins ce qu’on