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soumettons à M. Ochoa, et que sans doute il voudra bien transmettre à son beau-frère.

Enfin je trouve dans la biographie publiée à Madrid des fragmens d’une correspondance adressée par don Federico à M. Ochoa. Ces fragmens seraient sans intérêt, sans importance, si on négligeait de les comparer aux œuvres du peintre prédestiné. Dans la familiarité de ses épanchemens, il traite assez lestement les peintres français. Il les accuse de méconnaître la grandeur et le rôle nécessaire de l’idéal. Si le reproche ne venait pas de don Federico, il n’aurait pour nous rien d’étonnant; mais dans sa bouche il nous surprend à bon droit. Oui sans doute, l’idéal est trop souvent méconnu parmi nous. Pour articuler ce grief, il conviendrait d’avoir soi-même respecté l’idéal dans ses œuvres, et je crois que don Federico n’est pas précisément dans cette condition. Dans sa correspondance, il parle avec admiration, avec ferveur, parfois même avec emphase, de Giotto, de Fra-Angelico, d’Overbeck, — avec légèreté de la peinture française prise dans son ensemble. On croirait, à l’entendre, qu’il professe, le pinceau à la main, un culte assidu pour l’idéal. A ses yeux, les Allemands sont les seuls aujourd’hui qui comprennent la peinture religieuse. Que ces paroles se convertissent en œuvres, et sans vouloir placer Overbeck sur la même ligne que Raphaël, nous ne serons pas avare d’applaudissemens; mais, hélas, comment faire? Comment partager l’enthousiasme de M. Ochoa pour son beau-frère? En regard de cette précieuse correspondance, qui nous révèle si clairement les pensées intimes de don Federico, nous sommes obligé de mettre une œuvre signée de son nom, Godefroid de Bouillon à Jérusalem, qui se voit à Versailles dans la salle des Croisades. Or ce tableau, de l’avis unanime de tous les juges désintéressés dans la question, ne relève ni de Giotto, ni de Fra-Angelico, ni d’Overbeck. Ni les Florentins, ni les Allemands n’ont rien à revendiquer dans cette composition. C’est une œuvre matérialiste dans le sens le plus triste du mot. S’il fallait absolument trouver un parrain pour Godefroid de Bouillon à Jérusalem, je nommerais M. Monvoisin ou M. Philippoteaux, deux hommes illustres comme M. Dauzats que don Federico a peut-être connus dans ses voyages. Vanter l’Italie et l’Allemagne pour arriver à l’imitation servile de la France, c’est tout au moins une conduite imprudente. Sans les indiscrétions de M. Ochoa, nous n’aurions jamais deviné la prédilection de don Federico pour Giotto et pour Overbeck. S’il est sincère dans les théories qu’il expose, il les oublie bien facilement, car ses œuvres n’en portent pas l’empreinte la plus légère.

Dans la peinture de portrait, ni Giotto, ni Fra-Angelico ne pouvaient lui servir de guides. Il trouvait en Espagne, en Italie, en