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ces organes viennent à disparaître normalement ou accidentellement, et par cela même l’individu ne peut plus être appelé vierge. Personne n’appliquera cette épithète à un eunuque, à un chapon. À plus forte raison devra-t-on la refuser à un être qui n’a jamais été ni mâle ni femelle. Or, pour quiconque s’en tient à l’observation et à l’expérience, tel est incontestablement le cas de tous les animaux dont nous avons parlé, tant qu’ils sont encore à l’état de scolex ou de strobila, tant qu’ils se reproduisent par bourgeons, par boutures, par scission spontanée. Le scalpel le plus délicat, le microscope le plus puissant ne nous montrent dans le scyphistoma, dans le sporocyste, rien qui de près ou de loin puisse donner l’idée d’une sexualité quelconque. Néanmoins, pour M. Owen, tous ces êtres sont des femelles, et tout en reconnaissant la difficulté qu’on éprouve à exprimer certaines relations de parenté, il pense qu’on peut leur appliquer l’expression de mères. Cette manière de voir du savant Anglais repose principalement sur une exception très remarquable et unique qui se rencontre au milieu des faits dont il s’agit. Les générations intermédiaires de pucerons ont des organes reproducteurs femelles, incomplets il est vrai, mais parfaitement reconnaissables. Dans ces organes, la partie fondamentale, l’ovaire, semble être constituée exactement de même chez les individus vivipares ou les scolex, et chez les individus ovipares, qui seuls sont de vraies femelles. Seulement chez ces dernières on trouve de véritables œufs pourvus de toutes leurs parties caractéristiques, chez les premiers de petites masses granuleuses, où l’on ne distingue jamais ni vitellus, ni vésicule germinative, ni tache de Wagner.

En admettant que tous les animaux qui se reproduisent par généagénèse se trouvent dans des conditions semblables à celles que présentent les pucerons, M. Owen est certainement allé au-delà des résultats fournis par l’observation directe ; mais n’en fût-il pas ainsi, nous ne pourrions accepter sa théorie. En effet, pour interpréter les faits, M. Owen remonte à l’origine des plus simples organismes, et s’appuie sur la doctrine cellulaire de Schwann, doctrine dont nous avons en bien des points constaté l’insuffisance. Certains êtres, dit le savant anglais, — par exemple les monades, regardées comme les derniers infusoires, et les grégarines, qui sont aussi des infusoires vivant en parasites à l’intérieur de quelques animaux, — sont formés en réalité d’une seule cellule pourvue de son noyau. Chez eux, la propagation s’effectue par la division du noyau, qui entraîne celle de l’animal entier. Or l’œuf est essentiellement formé d’une cellule à noyau, la vésicule germinative, qui renferme le jaune germinatif. Le jaune proprement dit, ou vitellus, n’est qu’un accessoire, une provision d’alimens. L’œuf fondamental se multiplie, comme la monade,