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comprendre le bassin du Grand-Lac-Salé dans tout projet de communication à travers le continent. Plus soucieux de colonisation et d’intérêts économiques que de questions religieuses, il proposa même de faire passer le chemin de fer du Pacifique, dont on commençait à se préoccuper, près de la capitale des mormons. Au-delà de ce point, il conseillait de faire deux embranchemens, l’un vers l’Orégon, l’autre vers la Californie; le premier devait aller rejoindre la route ordinaire qui suit la rivière Humboldt ; le second, longeant les établissemens mormons, devait se diriger vers San-Diego en doublant l’extrémité méridionale de la Sierra-Nevada, ou, si c’était possible, entrer dans la vallée du San-Joaquin et rejoindre San-Francisco. A l’époque où Stransbury visita les mormons, ils projetaient eux-mêmes d’exécuter cette dernière ligne pour exporter leurs produits.

Les études de Frémont et de Stransbury ont été complétées par le lieutenant Beckwith, qui a exploré avec soin l’intérieur du Grand-Bassin et les cols de la Sierra-Nevada, A la suite de ces reconnaissances, voici comment l’on a déterminé le tracé du 42e degré de latitude : le chemin de fer doit remonter les pentes douces et régulières que descend la Nebraska, et franchir les Montagnes-Rocheuses par le Col du Sud (ou par un passage plus méridional, encore mal exploré, le Col des Chéyennes). Pour arriver du Col du Sud aux bords du Grand-Lac-Salé, on descend un tributaire de la Rivière-Verte, et l’on traverse, par des défilés sinueux et étroits, la chaîne des monts Wahsatch, qui s’étend à l’est du lac. Du côté oriental du lac, la ligne projetée va rejoindre la vallée de la rivière Humboldt, en traversant une contrée formée par des plateaux que séparent des chaînes parallèles. Le lieutenant Beckwith décrit cette partie intérieure du Grand-Bassin sous les mêmes couleurs que Frémont : les montagnes y sont basses, faciles à franchir, et parcourues par une multitude de petits torrens; l’herbe y croît en abondance, mais les arbres y sont rares, et on n’y trouve que quelques cèdres épars; les vallées sont partout couvertes de sombres artémises. De toutes les chaînes, la plus élevée est celle qui porte le nom de Humboldt; le chemin de fer doit la franchir par un col assez bas, et suivre la rivière Humboldt, qui se perd dans un lac marécageux situé au pied de la Sierra-Nevada.

À cette latitude, la sierra forme un grand plateau élevé, recouvert de crêtes et de pics isolés. Le meilleur passage que le lieutenant Beckwith y ait trouvé est le col Madelin; il est facile à traverser et conduit directement dans la vallée du Sacramento. Malheureusement, sur une étendue de trente lieues, le fleuve, qui n’est encore qu’un torrent, descend en serpentant entre des précipices qui ont