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bien supposait l’existence d’un appareil organique complet, lequel n’existe pas, et quant aux théories qui de près ou de loin se rattachent aux générations spontanées, on sait aujourd’hui qu’elles sont par cela seul inacceptables. Toutes ces doctrines d’ailleurs s’appliquaient à un cas particulier, regardé jusque-là comme étant sans analogue.

En découvrant l’alternance de formes et d’état que présente chaque espèce de biphores, Chamisso,— et c’est là une justice qu’on ne lui a pas assez rendue, — a vu presque toutes les conséquences de ce fait, considéré isolément ; mais il ne pouvait aller au-delà. Entre ce mode de reproduction et celui qu’on observe chez les pucerons, les différences extérieures sont trop grandes pour que l’on pût dès l’abord songer à rapprocher ces deux phénomènes. Les beaux travaux de Saars, de Siebold, de Löwen, deDalyel et enfin, de Steenstrup, en comblant une partie de l’intervalle, en servant d’intermédiaires, ont seuls permis d’apercevoir des relations jusque-là insaisissables. Encore a-t-il fallu être doué d’un rare esprit de synthèse pour atteindre à ce résultat. Aussi, quelles qu’aient pu être d’ailleurs les erreurs du naturaliste danois, son livre sur la Génération alternante n’en restera pas moins comme une œuvre d’une haute importance, comme marquant dans l’histoire du développement des êtres vivans une ère toute nouvelle.

Le titre seul de cet ouvrage nous apprend que l’auteur s’est placé au même point de vue que Chamisso, et qu’il a été frappé surtout par l’alternance des formes que présentent les diverses générations produites par généagénèse. L’auteur a vainement essayé de protester contre cette remarque, faite très justement par un de ses confrères[1]. Les premières phrases du livre ne peuvent laisser de doute à cet égard, et il eût été de bon goût de reconnaître cette parité de vues en rendant justice à un prédécesseur que l’on répétait sur bien des points. Heureusement pour lui, M. Steenstrup ne s’en est pas tenu

  1. P.-J. van Bénéden, la Génération alternante et la Digénèse, 1853. — En 1854 parut une Réclamation contre ce mémoire, publiée en français par J.-J.-G. Steenstrup. Dans la préface de son premier ouvrage, M. Steenstrup mentionne à peine le nom de Chamisso, qu’il veut bien d’ailleurs qualifier de naturaliste ingénieux. Dans sa Réclamation, il reconnaît pourtant que le titre de son premier ouvrage est « un emprunt fait à la première série des recherches qui se rapportent à cette doctrine et une pure réminiscence de ces recherches. » Il cite même un des passages que nous avons rapportés plus haut ; mais pas plus ici que dans sa Génération alternante il ne mentionne les conséquences tirées par Chamisso du fait de l’alternance, et tout au contraire il en revendique quelques-unes des plus importantes comme lui appartenant. Cette manière d’agir, blâmable en tout cas et chez tous, l’est peut-être davantage chez un savant très rude envers ses confrères, qui substitue trop souvent le sarcasme à la discussion, et qui traite avec le dédain le moins mérité des hommes tels que MM. Owen, van Bénéden, Eschricht, etc.