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rappeler en quelques mots les traits essentiels du phénomène. — Dans les espèces à développement généagénétique, l’œuf, comme chez les animaux à transformations et à métamorphose, se montre au début et produit un être simple, mais celui-ci se multiplie d’abord par bourgeon. — D’ordinaire les individus ainsi engendrés ne ressemblent ni à leur parent ni à la progéniture qu’ils enfanteront eux-mêmes.— Au bout d’un certain nombre de générations, le type primitif reparaît, et avec lui reparaissent les attributs des deux sexes et la reproduction par œufs. — Toutes les générations intermédiaires développées entre les termes extrêmes de ce cycle sont agames, c’est-à-dire manquent de véritables organes reproducteurs, et se multiplient exclusivement par bouture et par bourgeon interne ou externe.

Voilà les faits : il me reste à montrer comment à diverses époques on les a expliqués. Au début, on chercha seulement à les rattacher à ce qu’on savait déjà. Le premier étonnement une fois passé, ceux qui découvrirent chez les animaux la propagation par bourgeonnement, par bouture, etc., se mirent l’esprit en repos par une simple comparaison avec ce qu’ils connaissaient depuis si longtemps dans le règne végétal. La reproduction des pucerons était plus difficile à faire rentrer dans les règles généralement acceptées. Aussi jusqu’à ces derniers temps a-t-elle donné lieu aux interprétations les plus diverses. L’anatomie avait démontré que l’hermaphrodisme, admis momentanément par Réaumur, était une chimère, et faute de savoir que mettre à la place de cette hypothèse, la plupart des naturalistes se bornaient à constater le fait. Parmi ceux qui voulaient aller plus loin, le plus grand nombre, entre autres deux éminens entomologistes anglais, MM. Kirby et Spence[1], admettaient qu’un seul rapprochement entre les deux sexes suffisait pour féconder toutes les femelles résultant de cette union pendant plusieurs générations. D’autres, et parmi eux notre habile anatomiste de Saint-Sever, M. Léon Dufour, eurent franchement recours à la génération spontanée pour expliquer ce fait si remarquablement exceptionnel[2]. D’autres enfin, comme M. Morren, adoucissant ce que cette opinion avait de trop en désaccord avec la science moderne, admirent que la génération se faisait ici par individualisation d’un tissu précédemment organisé[3]. Mais la première de ces interprétations, ou bien n’expliquait rien, ou

  1. Introduction to Entomology.
  2. Recherches sur les Hémiptères, 1833, Annales des Sciences naturelles. On sait que M. Léon Dufour, qui a passé sa vie dans une petite ville des Landes, a su, sans quitter sa retraite, faire sur l’anatomie des insectes des travaux promptement devenus classiques.
  3. Mémoire sur l’Émigration du puceron du pêcher (aphis persicœ) et sur les caractères et l’anatomie de cette espèce, 1836, Annales des Sciences naturelles.