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chent, pour ne pas voir que déjà il n’est plus ministre que par tolérance, ballotté d’un côté à l’autre, recourant tantôt aux honorables opposans qui siègent en face de moi, tantôt aux amis qui m’entourent, soutenu uniquement par les quarante janissaires qu’il paie et par quelque soixante-dix renégats, dont la moitié, en l’appuyant, s’empressent d’en rougir. Puisque telle est la condition du gouvernement, il est grand temps pour nous de témoigner efficacement ce que nous en pensons en votant contre lui dans la mesure même que nous débattons… Il est temps que le pays apprenne, non, le pays n’a pas besoin de l’apprendre, mais il est temps que l’Europe apprenne, que le monde apprenne que les hommes maintenant au pouvoir sont des traîtres, et qu’ils ne représentent point les sentimens du peuple anglais… Il est temps que les honorables membres qui ont profité de la trahison du très honorable baronet, quoique, si j’en juge d’après ce que je leur entends dire, ils détestent le traître, il est temps, dis-je, maintenant qu’ils ont assuré, comme ils en avaient le droit, le succès de ses mesures, il est temps qu’ils montrent ce qu’ils pensent de sa conduite ; il est temps qu’en mettant, comme nous le pouvons, les ministres de sa majesté en minorité et en les chassant du pouvoir, nous leur fassions porter la peine de leur déloyauté politique, de leur trahison envers leurs commettans, et du déshonneur qu’ils ont attiré sur le parlement et sur le pays. »

Interpellé par M. Sidney Herbert et quelques autres membres, lord John Russell se défendit, pour son parti et pour lui-même, de toute entente préalable, de toute trame concertée avec lord George Bentinck et ses amis ; mais il se déclara toujours opposé au bill d’Irlande et décidé à repousser la seconde lecture comme la première. Plusieurs radicaux firent la même déclaration. On en était là le 25 juin, et le débat durait depuis six jours, lorsqu’au milieu de la séance les messagers de la chambre des lords entrèrent dans la salle des communes, apportant plusieurs bills que les lords venaient d’adopter ; le bill sur l’importation des grains était du nombre, le speaker l’annonça, et de vives acclamations rompirent le silence de curiosité qui s’était fait dans la chambre à l’entrée des messagers. La discussion continua. A la fin de la séance, M. Cobden prit la parole : « Je ne viens point traiter la question, dit-il, mais j’ai quelques mots à dire sur le sens du vote que nous allons émettre. Je me rencontrerai ce soir, probablement en majorité, avec d’honorables membres qui ont voté pour la première lecture de ce bill… Je ne dirai rien des motifs qui les déterminent à voter différemment aujourd’hui ; mais comme il y a là une combinaison qui peut paraître étrange et exciter les soupçons du pays, je tiens à m’en expliquer clairement, et