Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 4.djvu/586

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les faits et les discute minutieusement, étalant avec complaisance les fruits de ses études nouvelles et passionnées ; mais c’est toujours par les considérations d’honneur et de fidélité politique qu’il commence et termine ses attaques. Sincèrement convaincu des avantages du système protecteur, qu’il défend dans l’intérêt public comme dans celui de son parti, c’est pourtant à la métamorphose, à la défection, à la trahison de sir Robert Peel qu’il revient sans cesse, averti par l’instinct de la lutte que, de toutes ses armes, celle-là est la meilleure, et qu’il sert mieux sa cause par les sentimens qu’il soulève que par les argumens qu’il expose.

Sir Robert Peel suit une marche exactement contraire : c’est à la question même qu’il ramène constamment ses adversaires et ses auditeurs ; les circonstances qui ont déterminé ses propositions, les effets qu’elles doivent produire pour le bien-être du peuple, leur utilité pour l’état en général et pour le parti même qui les repousse, tel est le fond des trois grands discours qu’il prononça les 22 janvier, 16 février et 27 mars 1846 dans ce solennel débat. La politique pure et désintéressée y domine ; c’est l’homme public qui s’adresse à des hommes publics, uniquement préoccupé de leur faire bien connaître les nécessités publiques au nom desquelles il s’est résolu aux mesures que, dans l’intérêt public, il leur demande de sanctionner. Point de personnalités aggressives ni défensives ; au lieu de s’y prêter, il les écarte formellement. « Deux questions, dit-il, ont attiré l’attention de la chambre : l’une, comment un parti doit être conduit ; l’autre, par quelles mesures peut être adoucie une calamité publique imminente, et quels principes doivent régler à l’avenir la politique commerciale d’un grand empire. C’est sur la première de ces questions qu’a principalement porté ce débat. Je n’en méconnais pas l’importance ; mais elle est, aux yeux du public, très inférieure à la seconde. Je me défendrai peu sur la question de parti. J’admets volontiers que, pour des intérêts de parti, les mesures que nous discutons sont les pires que je pusse proposer. J’admets aussi qu’il est malheureux que l’affaire des lois sur les grains se trouve placée entre mes mains ; il eût été très préférable que ceux-là eussent le mérite, s’il y a mérite en ceci, de régler cette affaire, qui ont été les constans et conséquens adversaires de ces lois… J’étais prêt à les seconder par mon vote et par toute l’influence dont j’aurais pu disposer… J’admets encore qu’il est naturel que les hommes qui m’ont toujours soutenu me retirent aujourd’hui leur confiance ; la marche que j’ai adoptée est contraire, je le sais, aux principes qui président en général au gouvernement d’un parti. Je leur demande seulement s’il est probable que j’eusse sacrifié leur bonne opinion et leur appui, si je n’avais été dominé par les plus pressantes con-