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diate des lois sur les grains, se refusa formellement à entrer dans le cabinet, si lord Palmerston, dont il n’approuvait pas la politique extérieure, en faisait aussi partie. Lord John Russell ne crut pouvoir se passer ni de l’un ni de l’autre pour collègues, et le 20 décembre il déclara à la reine que, n’ayant pas réussi à amener entre tous ses amis un accord indispensable, il se voyait dans l’impossibilité de former un cabinet.

Je laisse parler ici sir Robert Peel lui-même, comme il le fit un mois après, le 22 janvier 1846, dans la chambre des communes, en expliquant sa conduite à travers ces incertitudes ministérielles : « Je restai, dit-il, jusqu’au samedi 20 décembre, dans la conviction que mes fonctions avaient cessé. Le jeudi 18, la reine me fit savoir que le noble lord s’était chargé de former une administration, et le 19 je reçus de sa majesté une gracieuse communication m’informant que, puisque mes relations avec elle étaient près de leur terme, elle désirait me voir encore une fois pour me dire un dernier adieu. Le lendemain samedi fut le jour fixé pour cette entrevue. Quand je me rendis auprès de la reine, je venais d’apprendre, grâce à la courtoisie du noble lord, que ses efforts pour former un cabinet avaient été vains, et la reine à mon arrivée eut la bonté de me dire que, bien loin de me donner mon congé définitif, elle avait à me demander de retirer ma démission. Elle était informée que ceux de mes collègues qui, avant notre retraite, n’avaient pas partagé mon avis déclaraient qu’ils n’étaient point prêts à former et qu’ils ne lui conseillaient pas de former un cabinet sur le principe du maintien du système protecteur. Le noble lord qui avait entrepris de constituer un gouvernement venait de lui écrire qu’il avait échoué dans sa tentative ; la reine me demanda donc de ne pas persister dans ma démission. Je n’hésite pas à dire que, sans balancer un moment, je répondis à la reine que je retournerais à Londres comme son ministre, que j’informerais mes collègues de ma résolution, et que je les presserais de se joindre à moi pour faire les affaires du pays Mon noble ami lord Stanley m’exprima le regret de ne pouvoir me seconder dans la rude tâche que j’entreprenais ; mes autres collègues pensèrent que c’était leur devoir de me prêter leur concours. J’ai dit à la chambre dans quelles circonstances et par quels motifs je suis rentré au pouvoir. »

À en juger de loin, sur les apparences et d’après mes instincts personnels, je serais tenté de dire qu’il y rentrait dans des circonstances favorables et avec de bonnes chances pour rallier, par quelque heureuse transaction, ce grand parti conservateur, que pendant dix ans il avait si habilement travaillé et réussi à former, à qui il avait rendu et de qui il avait reçu le pouvoir, et dont la désorganisation