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libre, et n’ayant pas eu la probité ni le courage de le faire. » M. J. W. Fox, dans sa verve passionnément ironique, allait encore bien plus loin : « Il y a, disait-il, une comédie, le Captif athénien, dans laquelle le héros vaincu et fait esclave est obligé de déposer d’abord son casque, puis son bouclier, puis son épée, pour tomber dans la condition servile. C’est ainsi que sir Robert Peel traite la loi des grains. Il lui enlève l’argument de l’indépendance nationale ; — c’est votre bouclier, mettez-le par terre ; — l’intérêt de classe, — c’est la plume sur votre casque, abaissez-la ; — l’heureuse influence sur les salaires et au profit des laboureurs ; — c’est votre épée, rendez-la. — Il dépouille ainsi successivement le monopole, comme le captif athénien, de toutes ses armes, avec cette différence que le captif athénien tombe dans la servitude, tandis que notre pays doit s’élever à la liberté commerciale. Sir Robert Peel ne laisse aujourd’hui aux lois qu’il a jadis si fermement défendues qu’une défense, une seule : « le système protecteur est vieux de cent cinquante ans. » Une si vieille loi devrait être un peu plus sage. Sir Robert force ce pécheur à cheveux gris à confesser toutes ses iniquités ; il a été un sophiste invétéré ; il a employé avec la nation toute sorte de charlataneries pour satisfaire son intérêt personnel ; il a causé toute sorte de privations et de souffrances… Son grand âge ne le sauvera pas ; le jour de sa condamnation arrivera… Ce n’est pas ici le lieu de discuter les caractères politiques au-delà du sujet particulier qui nous occupe. Je ne dirai donc pas mon opinion sur la carrière de sir Robert Peel, ni les raisons qui me feraient souhaiter que mon pays reçût ce grand bienfait d’une autre main que la sienne. Il y a aussi des raisons pour lesquelles il vaudrait mieux que lui, lui plutôt que tout autre homme, fût l’auteur de cette salutaire mesure, et qu’après avoir fait pénétrer les principes de la liberté du commerce dans les diverses parties de notre législation commerciale, il couronnât son œuvre par cet acte suprême… Toute mon animosité contre sir Robert Peel serait satisfaite, et j’aurais tiré de lui toute la vengeance que j’en désire, si en contemplant tous les biens qu’il aurait valus à son pays en lui donnant la liberté du commerce, il pouvait apprendre qu’un seul acte, un seul jour de justice vaut mieux que toute une vie de tactique parlementaire et de savoir-faire politique. »

Ce mélange d’hostilité et de concours, de duretés et de caresses, ne déplaisait sans doute pas à sir Robert Peel, et ne fut probablement pas sans influence sur ses résolutions dernières, quand l’heure en fut venue ; mais je n’aperçois pas que jusque-là sa conduite et son langage en aient reçu aucune modification. Il écarta par une sorte de question préalable, et avec une nuance de dédain moqueur, les