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qui honore le génie, si nous devons avoir la liberté du commerce, j’aime mieux qu’elle soit proposée par l’honorable représentant de Stockport (M. Cobden) que par un homme qui, faisant du gouvernement conservateur une hypocrisie organisée, a trahi la confiance d’un grand peuple et d’un grand parti. »

Pour cette fois, Peel n’y tint pas ; il prit la parole, et après avoir brièvement repoussé les reproches contraires que lui adressaient tour à tour les deux partis : « L’honorable représentant de Shrewsbury (M. Disraeli) renouvelle, dit-il, une accusation que naguère il avait déjà élevée contre moi. Je retiens le pouvoir, dit-il, en oubliant mes principes et mes promesses des jours d’opposition. Lorsqu’en 1842 je proposai la réduction des tarifs, cette imputation me fut dès-lors adressée. L’honorable membre qui la répète aujourd’hui se leva et dit : — Ceux qui attaquent l’honorable baronet n’ont pas bien examiné les faits ; sa conduite est parfaitement conséquente et en accord avec les principes de liberté du commerce exposés par M. Pitt. Je rappelle ceci pour répondre aux personnes qui accusent les ministres de n’avoir professé leurs opinions actuelles que pour renverser le gouvernement et arriver eux-mêmes au pouvoir. — Tels étaient les sentimens qu’exprimait alors M. Disraeli. Je ne sais s’ils ont assez d’importance pour qu’on en entretienne la chambre ; ce que je sais, c’est que je faisais alors du panégyrique le même cas que je fais aujourd’hui de l’attaque. »

Les personnalités s’arrêtèrent là. Le débat s’engagea sur les nombreuses suppressions de droits à l’importation que prononçait le projet, et les agriculteurs défendirent ceux dont ils profitaient avec un égoïsme naïf et des détails d’économie domestique qui provoquèrent plus d’une fois des sourires mêlés de quelque dégoût. C’est une des difficultés du gouvernement représentatif qu’il met les intérêts personnels aux prises, dans toute leur nudité, avec les idées générales ou les passions généreuses qui leur demandent des sacrifices. Le public est enclin alors à se précipiter du côté des réformes, oubliant trop ce qu’il y a non-seulement de naturel, mais de légitime, dans cette résistance des possesseurs aux novateurs et des faits consacrés par le temps à des attaques qui souvent ne sont le fruit que de prétentions également intéressées. Le parti agricole se fit un tort réel par son âpreté à maintenir intacts les droits sur le beurre, le fard ou le fromage, et ses adversaires s’en prévalurent contre lui avec une ironie insultante, mais efficace. Dans l’une des réunions de la ligue à Covent-Garden, M. J. W. Fox avait violemment attaqué l’aristocratie ; il s’empressa de s’expliquer : « Ce que j’ai dit de l’aristocratie, je l’ai dit de quelques-uns de ses membres seulement, et non pas en tant qu’aristocrates, mais en tant que marchands. Si