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sort, oh ! alors, vous ne serez plus la gentry d’Angleterre, et il s’en trouvera d’autres qui prendront votre place. Je vous avertis que vous êtes aujourd’hui dans une situation très critique. Il y a un soupçon général que, dans cette circonstance, vous vous êtes servis et joués des bons sentimens et de l’honnête confiance de vos commettans. Partout on doute et on se méfie de vous, voici le moment de montrer que vous n’êtes pas, comme on le dit, de purs politiques. Les politiques s’opposeront à ma motion, ils ne veulent pas d’enquête ; mais vous, venez avec moi dans ce comité. Je vous y donnerai une majorité de membres de votre parti. Je ne vous demande que de rechercher loyalement les causes de la détresse de votre propre population. Que ce soit mon principe ou le vôtre qui l’emporte, l’enquête aura produit un grand et bon résultat. »

L’effet de ce discours fut grand dans la chambre, et encore plus grand dans le pays ; la ligue contre les lois sur les céréales le répandit avec une profusion sans exemple ; on l’expédiait par ballots jusque dans les districts les plus reculés ; on le distribuait, on le colportait, on le lisait, on le commentait dans les meetings et dans les familles. Sir Robert Peel lui-même en fut ému, et quelques-uns de ses amis affirment que ce jour-là M. Cobden exerça sur lui une véritable influence. Il n’en persista pas moins à repousser la motion d’enquête, mais il persista aussi à se taire. Ce fut M. Sidney Herbert, et non le premier ministre, qui se chargea de répondre à M. Cobden ; il combattit l’enquête, surtout comme vaine et plusieurs fois déjà tentée sans autre effet que de propager les alarmes : « Au lieu de venir pleurnicher devant la chambre pour demander son aide, dit-il aux agriculteurs, aidez-vous vous-mêmes ! » Ce mot fut amèrement relevé quelques jours après par M. Disraeli. « L’honorable baronet, dit-il, qui est à la tête du gouvernement de sa majesté, a dit un jour qu’il était plus fier d’être à la tête des gentilshommes de campagne d’Angleterre que d’obtenir la confiance des souverains. Où sont maintenant les gentilshommes de campagne d’Angleterre ? Nous n’en entendons guère plus parler. Ils ont encore les plaisirs de la mémoire, ils ont été les premières amours de l’honorable baronet ; il ne se met plus, il est vrai, à leurs genoux ; il fait de grands efforts pour qu’ils se tiennent tranquilles : tantôt il se réfugie dans un silence arrogant, tantôt il les traite avec une froideur hautaine. S’ils connaissaient un peu mieux la nature humaine, ils comprendraient et ils se tairaient ; mais non, ils ne veulent pas. Que fait alors l’honorable baronet ? Forcé d’intervenir, il envoie son valet qui leur dit du ton le plus doux : — Ne venez pas pleurnicher ici ! — Voilà où en est le grand parti agricole, cette beauté à qui tout le monde a fait la cour et qu’un seul a trompée. Elle approche de la catastrophe. Pour moi,