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être ouverte toutes les fois qu’elles viennent y frapper. Il y a un moment où la discussion porte la lumière dans ces questions ; il y en a d’autres où elle y mettrait le feu. Il ne se peut pas que les tribunes de l’une et de l’autre chambre ressemblent à des journaux, qui, tous les matins, disent et discutent ce qu’ils savent sur les affaires pendantes entre les gouvernemens. Convaincu comme je le suis que, pour les intérêts généraux du pays, et pour la question même dont il s’agit, il y aurait des inconvéniens graves à la débattre en ce moment, je m’y refuse absolument. Quand elle aura suivi son cours naturel, quand l’opinion et la conduite du gouvernement du roi auront été mûrement arrêtées, quand les faits et les droits auront été éclaircis entre les deux gouvernemens, alors je serai prêt, je serai le premier à venir dire et discuter ici ce qu’a fait le gouvernement et quels ont été ses motifs. Jusque-là je garderai le silence. »

C’était évidemment la seule attitude sensée et utile. La clôture de notre session me la rendit plus facile qu’elle ne l’eût été quelques semaines plus tôt. Je n’ai garde de m’arrêter plus longtemps ici sur une affaire qui fit un bruit alors si grave et aujourd’hui si ridicule. Je ne saurais non plus convenablement raconter la délicate négociation à laquelle elle donna lieu entre lord Aberdeen et moi. Toutes ces vivacités, toutes ces difficultés, tous ces périls, accompagnement naturel d’un régime de liberté, et dont on s’arme si souvent contre ce régime, aboutirent à des résultats justes en soi, honorables pour les deux cabinets et salutaires pour les deux pays. Averti de l’inopportunité et de l’inexactitude de ses premières paroles, sir Robert Peel me fit dire qu’il ne reconnaissait comme correcte aucune des versions qu’en avaient publiées les journaux. Quand les faits eurent été bien éclaircis et débattus, le cabinet français main tint d’une part son droit d’éloigner de tout établissement colonial tout résident étranger qui troublerait l’ordre, d’autre part sa conviction que les autorités françaises à Taïti avaient eu de légitimes motifs de renvoyer de l’Ile M. Pritchard. Il reconnut en même temps qu’on avait usé envers lui de procédés inutiles et fâcheux, et il en exprima son improbation et son regret. Il offrit de lui accorder, à raison des dommages et des souffrances que ces procédés avaient pu lui faire éprouver, une indemnité dont le règlement fut remis aux deux amiraux français et anglais près de partir pour aller prendre dans l’Océan-Pacifique le commandement des deux stations. Le cabinet anglais, de son côté, ne contesta plus les principes ni les faits soutenus par le cabinet français ; il renonça à toute idée de faire reparaître M. Pritchard à Taïti et de nous demander le rappel de l’officier qui l’en avait éloigné. L’affaire reçut ainsi, non-seulement une conclusion officielle, mais une fin équitable et sincèrement acceptée comme telle des deux parts, en sorte que je pus dire avec